Les états membres de l’Union Européenne disposent de deux ans pour transposer la directive européenne, adoptée la semaine dernière par le Conseil des ministres, qui augmente de vingt ans la durée pendant laquelle les enregistrements d’oeuvres musicales ne passent pas dans le domaine public.

La prochaine majorité parlementaire aura la difficile tâche de faire passer une réforme d’extension de la durée de protection des droits des producteurs et artistes-interprètes ; mais elle aura au moins comme consolation de pouvoir une nouvelle fois accuser Bruxelles. Même si tous les députés nationaux participent, via leur formation politique, à la vie parlementaire européenne…

La semaine dernière, profitant d’un revirement du Danemark, le Conseil l’Union Européenne a réussi à trouver une majorité d’états membres pour faire passer la réforme d’allongement des droits de 50 à 70 ans après l’enregistrement de l’œuvre musicale. Dans un communiqué (.pdf), le Conseil a précisé que les pays membres de l’Union Européenne disposeront de deux ans pour transposer la nouvelle règle en droit national. Ainsi d’ici fin 2013, le domaine public sera amputé de 20 ans d’œuvres qui auraient dû passer dans le domaine public.

Pour le Conseil, qui ne dit pas un mot sur le bénéfice pour les producteurs, explique que « la nouvelle directive vise à étendre le niveau de protection des artistes-interprètes en reconnaissant leurs contributions créatrices et artistiques« .

« Les artistes-interprètes débutent généralement leurs carrières en étant jeunes et la durée actuelle de production de 50 années souvent ne protège pas leurs enregistrements pour toute leur vie« , ose ajouter le communiqué. Qui ne peut dire pire ânerie.

D’une, si l’objectif était de faire que les artistes bénéficient des droits sur leurs œuvres toute leur vie, autant l’affirmer tel quel, comme le fait le droit des auteurs et compositeurs, qui va même jusqu’à conserver le monopole 70 ans après la mort de l’auteur.

De deux, au nom de quelle règle divine un artiste aurait-il le droit de vivre toute sa vie d’une œuvre créée il y a plus de 50 ans, alors que le boucher n’a été payé qu’une fois pour son morceau de viande coupé en 1956, et que le maçon qui a bâti une maison en 1973 a dû un construire une autre en 1974 pour nourrir sa famille ? « Certains artistes font face à une chute de revenus à la fin de leur vie« , explique le communiqué du Conseil. Mais c’est malheureusement le lot de beaucoup de professions libérales, et le remède à ce problème est une meilleure gestion des retraites des artistes, pas un amoindrissement du domaine public.

Bien sûr l’IFPI, qui représente les majors du disque à travers le monde, s’est félicitée de la nouvelle, en prenant elle aussi les observateurs pour de sombres idiots. Elle affirme que « la décision d’étendre la durée de protection des enregistrements en Europe est une excellente nouvelle pour les artistes-interprètes« , qui « bénéficieront d’une réserve de revenus plus importante qui sera disponible pour investir dans de nouveaux talents« . Alors que c’est tout l’inverse. Conserver le monopole sur les vieilles œuvres à succès est la meilleure garantie de ne pas avoir à encourager la production de nouveautés, puisque les maisons de disques n’en sont plus dépendantes et qu’elles n’ont plus à prendre autant de risques. Mieux vaut sortir une énième compilation des Beatles que de miser sur un groupe inconnu.

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