Les Nations Unies seront-elles le prochain champ de bataille où s’opposeront les partisans et les opposants de la liberté d’expression sur Internet ? Alors que le rapporteur spécial de l’ONU a rendu public début juin un rapport sur la promotion et la protection de ce droit fondamental, une contre-offensive diplomatique est en train d’être conduite par un petit groupe de nations incluant la Chine et la Russie.
Alors que le rapport onusien demande aux États de renoncer aux lois qui permettent de suspendre l’accès à Internet, estimant que « couper des utilisateurs de l’accès à Internet, quelle que soit la justification avancée, y compris pour des motifs de violation de droits de propriété intellectuelle, est disproportionné« , la Chine, la Russie, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan plaident pour un « code de bonne conduite » destiné à Internet.
Le document (.pdf) , dévoilé cette semaine à New York et cité par Ars Technica, avance notamment que les pays respectueux des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, c’est-à-dire principalement les pays occidentaux, s’engagent à soutenir « la lutte contre les activités criminelles et terroristes qui utilisent des technologies de l’information et de la communication, y compris les réseaux« .
Par ailleurs, les États doivent aussi s’engager à ne pas utiliser les outils du net pour « mener des activités hostiles ou des actes d’agression« . Une assertion qui fera sans rire jaune les hauts gradés américains, ces derniers suspectant fortement la Chine d’être très impliquée dans les nombreux incidents qui émaillent le cyberespace depuis quelques années. Au point qu’un général s’était inquiété de la grande vulnérabilité du réseau.
Les États signataires favorables à ce code de bonne conduite doivent également s’engager à « réduire la dissémination de l’information qui incite au terrorisme, à la sécession, à l’extrémisme ou qui nuit à la stabilité politique, économique et sociale ainsi qu’à l’environnement spirituel et culturel » des différents pays. Là encore, c’est une occasion unique pour ces régimes autoritaires, pour ne pas dire dictatoriaux, de légitimer la répression des contenus sur Internet.
Dans le cas de la Chine, qui est l’exemple-type en la matière, la stabilité du régime politique actuel dépend grandement du contrôle de l’Internet et de la suppression par tous les moyens de l’information compromettante, quitte à employer des moyens offensifs (piratage informatique par exemple). Ce « code de bonne conduite » serait aussi un bon prétexte pour s’attaquer plus durement aux réseaux sociaux chinois, en plein boom.
Idem du côté de la Russie, du Tadjikistan et de l’Ouzbékistan, qui sont loin d’être des modèles de démocratie et de liberté d’expression dans le monde, comme le rappelle chaque année Reporters Sans Frontières. Dans le classement pour l’année 2010, ces quatre pays sont très mal positionnés : bien au-delà de la 115ème position, pour un tableau qui comporte 178 entrées.
Le code de bonne conduite proposé par la Chine, la Russie, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan, ainsi rédigé, ouvre la voie à une censure très large, qui pourrait frapper n’importe quel sujet ou presque. Bien évidemment, d’aucuns feront remarquer que dans la pratique, ces pays ont déjà la main particulièrement lourde en matière de restriction. Or, le risque est de légitimer ces pratiques , via l’ONU, avec un code spécialement pensé dans ce but.
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