La Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) présentait ce jeudi matin son rapport d’activité 2010. À cette occasion, l’autorité publique indépendante dévoilait les chiffres clés de la riposte graduée, couvrant les 18 premiers mois d’activité de l’Hadopi, du 1er janvier 2010 au 30 juin 2011, et prenait rendez-vous pour un prochain bilan en juin 2012.
Lors de cette conférence organisée à Paris, un exemplaire du rapport d’activité 2010 a été distribué à la presse. Si le rapport permet de faire le point sur l’état de la riposte graduée en France, il distille également quelques pistes très instructives sur l’avenir de la Haute Autorité et de ses moyens pour poursuivre ses missions de protection du droit d’auteur dans la sphère numérique.
Identifier les sites manifestement destinés au piratage
La question de l’identification des sites « manifestement destinés » au piratage est notamment posée en filigrane dans le rapport. Dans les éditos de Marie-Françoise Marais, présidente, et d’Éric Walter, secrétaire général, le problème de l’élargissement des pouvoirs de l’Hadopi est soulevé à plusieurs reprises. L’un et l’autre appellent, non sans une certaine prudence, à voir au-delà du simple échange sur les réseaux P2P.
« D’ici à notre second rapport, il sera possible de poser un diagnostic sur le dispositif actuel de protection des droits afin de pouvoir le faire évoluer et gagner en efficacité. Nous aurons suffisamment de recul pour nous permettre de mesurer les effets de la réponse graduée. Notre connaissance de l’offre et de la demande illicites d’œuvres sur Internet, en particulier au-delà des réseaux P2P, se sera affinée » explique la présidente.
Même son de cloche chez Éric Walter. « L’Hadopi a engagé des travaux de recherche qui devraient permettre une approche quantitative de ces phénomènes (streaming, téléchargement direct ndlr), et compte être en mesure d’en publier les premiers résultats avant son deuxième rapport d’activité« . Et pour cause, l’Hadopi est consciente du déplacement des usages non-autorisés vers d’autre solutions que le pair à pair.
L’Hadopi s’intéresse de près au streaming et au DDL
Dans le rapport, l’Hadopi parle du filtrage et des études lancées sur le streaming et le téléchargement direct afin de quantifier les usages et notamment la proportion des usages licites et illicites sur un même site web. Dans quel but ? Pour fabriquer un dossier prouvant qu’un site est « manifestement destiné » au piratage et demander en conséquence son blocage en justice.
Ce n’est pas un hasard si la Haute Autorité a manifesté son agacement en juillet dernier lorsqu’elle a découvert que les ayants droit conduisaient des expérimentations de filtrage sans que ces derniers n’informent l’autorité publique indépendante. À l’époque, l’Hadopi avait surtout tancé la SCPP en l’invitant « à se concentrer sur la partie qui leur incombe« .
Le rapport d’activité, page 57, rappelle d’ailleurs que l’Hadopi « devait être tenue informée des expérimentations en cours » portant sur les expérimentations conduites dans le domaine des technologies de reconnaissance des contenus et de filtrage, même si, dans le même temps, la Haute Autorité rappelle sa « plus grande prudence » vis-à-vis de ces techniques (en particulier, le DPI).
Quantifier la proportion licite / illicite en vue du blocage
Plus loin, page 60, l’Hadopi explique qu’elle « souhaite pouvoir identifier et quantifier les vecteurs utilisés pour la consommation illicite de biens culturels sur Internet« . Cela va des protocoles aux sites en passant par les services et aura pour finalité de faire la distinction entre la proportion licite et la proportion illicite sur les vecteurs de consommation les plus utilisés.
« Une seconde phase avec pour l’objectif de classer les vecteurs de consommation préalablement identifiés en deux catégories : ceux manifestement utilisés pour une consommation illicite de biens culturels et ceux manifestement utilisés pour une consommation licite de biens culturels » souligne le rapport. Même si la Haute Autorité se refuse à l’admettre aussi ouvertement, tout est fait pour que l’on puisse justifier du caractère proportionné du blocage des sites « manifestement destinés » au piratage.
À ce sujet, rappelons que l’autorité s’informe activement sur la manière d’établir une observation des plates-formes de streaming, grâce à des sondes placées chez les fournisseurs d’accès à Internet afin de donner aux ayants droit suffisamment d’éléments pour justifier une demande de blocage de ces espaces au niveau des opérateurs de télécommunications.
Le spectre de l’amendement Vivendi
Point intéressant à relever, l’expression « manifestement utilisés » reprise dans le rapport d’activité 2010 de l’Hadopi est à rapprocher de celle employée dans l’article L335-2-1 du Code de la propriété intellectuelle, surnommé amendement Vivendi. Celui-ci avait été introduit avec la loi DADVSI dans l’objectif de rendre les logiciels de P2P.
Celui-ci expose que « est puni de 3 ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende le fait d’éditer, de mettre à la disposition du public ou de communiquer au public, sciemment et sous quelque forme que ce soit, un logiciel manifestement destiné à la mise à disposition du public non autorisée d’œuvres ou d’objets protégés« .
Ce n’est sans doute pas innocent si l’Hadopi reprend une formule très proche. C’est bien, au regard des éléments présents dans le rapport d’activité 2010 et des éléments précédents, que la Haute Autorité compte s’en servir contre les logiciels de type BitTorrent ou eMule, mais aussi contre les sites de streaming ou de téléchargement qui sont surtout utilisés pour pirater des œuvres protégées.
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