Mercredi prochain, les principaux fournisseurs d’accès à internet (Free, Orange, SFR, Bouygues Télécom, Numericable, et Darty) ont tous rendez-vous au tribunal de grande instance de Paris pour répondre à la demande de blocage du site Copwatch Nord-Paris IDF formulée par Claude Guéant, en qualité de ministre de l’intérieur. Mais comme le révèle l’assignation publiée par PC Inpact, la place Beauvau ne demande pas le blocage de l’ensemble du site.
Le premier policier de France demande que le tribunal ordonne aux FAI « d’interdire, sous astreinte de 2000 euros par jour de retard, pour l’ensemble des abonnés desdites sociétés à partir du territoire français, l’accès aux pages » dont la liste est limitative.
Claude Guéant ne demande donc pas que l’ensemble du site incriminé soit bloqué, mais uniquement les pages qui posent selon lui le plus de problèmes. Il s’agit des bases de données de policiers de Paris, Calais, et Lille, ainsi qu’une page sur laquelle figure selon le ministère de l’intérieur des « propos diffamatoires » et des « propos injurieux » à l’encontre des policiers.
Le ministre de l’intérieure agit sur le fondement de l’article 6-1-8 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN), qui dispose que « l’autorité judiciaire peut prescrire en référé ou sur requête, à toute personne mentionnée au 2 (l’hébergeur, ndlr) ou, à défaut, à toute personne mentionnée au 1 (le FAI, ndlr), toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne« . Il explique ne pas agir directement auprès de l’hébergeur parce que celui-ci serait inconnu.
En demandant un filtrage sélection et non un blocage général du site, M. Guéant est probablement avisé du fait que le Conseil constitutionnel impose que les mesures attentatoires à la liberté d’expression doivent être proportionnées et strictement limitées à l’objectif poursuivi, comme les sages l’ont rappelé à propos de la loi Hadopi 1 dans leur décision du 10 juin 2009. Le Palais Royal avait en effet accepté le filtrage des sites de piratage à la condition que les juges ne prononcent que des « mesures strictement nécessaires à la préservation des droits en cause« .
Reste qu’en pratique, le filtrage sélectif des URL est soit impossible à réaliser, soit très coûteux et surtout attentatoire à la protection de la vie privée des internautes. Il impose en effet d’ouvrir les paquets pour identifier l’URL précise demandée dans l’entête de la requête HTTP, ce qui oblige à un filtrage par DPI.
Quel que soit le résultat de l’assignation, Claude Guéant aura au moins réussi une chose : offrir une grande publicité à CopWatch Nord-Paris IDF, et montrer à chacun les pages qui ne manqueront pas d’être dupliquées dans un traditionnel effet Streisand.
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