Depuis de nombreuses années, la technologie BitTorrent a été la bête noire des fournisseurs d’accès à Internet. Les opérateurs accusaient le réseau P2P de générer une trop grande consommation de bande passante à certaines heures et d’entraîner des situations de congestion du réseau pouvant affecter d’autres abonnés qui eux n’utilisaient aucun client BitTorrent pour échanger des fichiers.
Bridage de BitTorrent par les FAI
C’est pour cette raison que plusieurs fournisseurs d’accès à Internet ont à un moment ou à un autre mis en place des dispositifs destinés à brider le trafic généré par la technologie BitTorrent ou, plus radical, à bloquer complètement les échanges. Plusieurs exemples existent, à commencer par l’opérateur américain Comcast, le canadien Bell, le britannique Virgin Media ou encore le belge Telenet.
Sur ce sujet, les opérateurs se montrent toutefois assez discrets. Ce n’est en effet pas vraiment un argument commercial que de mettre en avant un bridage de BitTorrent, dans la mesure où il s’agit d’une technologie neutre. Elle peut en effet servir à échanger des contenus illicites, comme des œuvres protégées par le droit d’auteur, ou fournir un moyen simple, efficace et économique de distribuer facilement des fichiers.
Sur ce sujet, Measurement Lab (MLab) a mis en ligne une série de données interactives couvrant deux ans d’activité de FAI, d’avril 2008 à mai 2010. Comme l’explique Torrentfreak, MLab s’est appuyé sur des outils pour détecter la présence de filtres ou de techniques de bridages des connexions à Internet, en particulier Glasnot qui permet de vérifier si les FAI brident l’utilisation du protocole BitTorrent.
Les données sont regroupées dans un tableau présentant en particulier le pourcentage de tests montrant des techniques d’inspection de paquets de données (DPI : Deep Packet Inspection). Les mesures sont effectuées par tranche de trois mois avec le pourcentage de tests valides. En ce qui concerne la France, cinq FAI ont été observés : Orange, Free, SFR, Bouygues Télécom et Numericable-Completel.
Le cas des FAI français
Que retenir de ces données ? Il y a eu deux grandes périodes sur la période couverte par MLab. Jusqu’au troisième trimestre 2009, les cinq opérateurs français ont, selon les mesures relevées, réalisé des techniques d’inspection de paquets de données. Les scores oscillent en effet entre 7 % et 15 % selon les opérateurs. On remarque toutefois deux pics au cours de cette période.
Le premier concerne Free (Iliad) au quatrième trimestre 2008. MLab a relevé que 30 % de ses tests, pratiquement un tiers des résultats, ont montré des techniques d’inspection. C’est un score assez important. L’autre score remarquable concerne Bouygues Télécom au premier trimestre 2009. La mesure atteint 29 %. En revanche, le même FAI atteint 0 % un an auparavant, au deuxième trimestre.
Après le troisième trimestre 2009, la tendance est à la baisse et l’intérêt des FAI à ce moment-là semble s’être calmé. Selon MLab, les tests montrant du DPI vont de 2 à 9 %. Seuls deux FAI ont eu une activité plus importante à ce niveau-là pendant une brève période. Il s’agit de France Télécom lors du troisième trimestre 2009 (13 %) et de Numericable-Completel le quatrième trimestre 2009 (16 %).
L’initiative de Measurement Lab est soutenue par Google et la New America Foundation. Comme nous l’expliquions il y a deux ans, le géant de Mountain View cherche à démontrer son attachement au principe selon lequel les opérateurs de télécoms ne doivent pas traiter différemment les données envoyées selon leur contenu, leur destination ou leur expéditeur, pas plus que selon l’outil utilisé (protocole BitTorrent).
Respecte mon net
Les travaux de MLab sont l’occasion de rappeler le projet initié par la Quadrature du net. Baptisé Respecte mon net, le site recense toutes les restrictions de l’accès à Internet que les internautes constatent. L’objectif de cette initiative est de disposer de cas concrets à présenter aux autorités européennes afin que ces dernières prennent la mesure de l’urgence de légiférer en faveur de la neutralité du net.
« Le législateur européen fait la sourde oreille sur ce problème depuis plus de deux ans. Le rapport de la commissaire européenne Neelie Kroes sur le sujet prétend qu’il n’y a pas de preuves quant à la nécessité de protéger dans la loi la neutralité du Net » s’était agacé Jérémie Zimmermann, porte-parole et cofondateur de la Quadrature du Net.
« Une telle approche attentiste est choquante quand on voit la réalité des pratiques de gestion du trafic des opérateurs, et leur impact sur la liberté de communication en ligne, la concurrence et l’ensemble de l’économie numérique » avait-il ajouté.
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