La justice américaine a confirmé l’obligation faite à Twitter de livrer des informations personnelles sur trois de ses utilisateurs, dans le cadre d’une enquête sur les informations publiées par Wikileaks. Parmi les trois personnes concernées figure une députée islandaise, qui demande aux internautes de ne plus utiliser de services américains.

Mise à jour : Le tour diplomatique de l’affaire se confirme. Le Guardian précise que la députée Birgitta Jónsdóttir souhaite porter son cas devant le Conseil de l’Europe, et que l’Union Interparlementaire qui réunit des députés de 157 pays a adopté le 19 octobre dernier une résolution très critique à l’égard des Etats-Unis. Le texte adopté disait que le Conseil directeur de l’Union « se déclare profondément préoccupé par les efforts déployés par un Etat pour obtenir des informations sur les communications d’une parlementaire d’un autre Etat et par les répercussions que cela risque d’avoir sur l’aptitude des parlementaires du monde entier à exercer librement leur mandat populaire« .

Il ajoutait, entre autres, qu’il « s’inquiète en outre de ce que Mme Jónsdóttir fasse peut-être l’objet, non seulement d’un profilage, mais aussi d’une enquête pénale sur la base d’informations tirées des réseaux sociaux et des moteurs de recherche d’Internet, sans qu’elle ait pu en contester la divulgation; note à cet égard qu’à la différence de Twitter, d’autres sociétés n’informent pas nécessairement leurs usagers des demandes d’information émanant de la justice et les concernant directement; (et) considère qu’une telle situation constituerait une grave violation du droit fondamental qu’a Mme Jónsdóttir de se défendre« .

Article du 14 octobre 2011 – L’affaire dure depuis près d’un an, et aboutit dans un sens qui crée un précédent délicat pour la diplomatie internationale. Dans un jugement daté du 10 novembre 2011 , un tribunal de Virginie a en effet confirmé que Twitter a bien l’obligation de délivrer aux autorités américaines des informations personnelles sur trois de ses utilisateurs, dont la députée islandaise Birgitta Jónsdóttir. La procédure avait été jugée « inacceptable » par le ministère des affaires étrangères de l’Islande.

C’est en janvier 2011 que, dans le cadre d’une enquête sur Wikileaks, le Département de la Justice des Etats-Unis avait obtenu une ordonnance judiciaire imposant à Twitter de lui livrer un ensemble d’informations personnelles sur des suspects. Le site de micro-blogging n’était sans doute pas le seul concerné par l’ordonnance, mais il est le seul à avoir averti les personnes concernées, pour leur permettre de ses défendre.

L’ordonnance demandait aux éditeurs concernés de livrer les noms d’utilisateur, adresses e-mails et postales, logs de connexion, numéro de téléphone, adresses IP, informations sur les moyens de paiement utilisés, etc. Elle allait jusqu’à demander les informations relatives à tous les comptes d’utilisateurs ayant communiqué d’une manière ou d’une autre avec Wikileaks, et la fourniture de toutes les « correspondances » des suspects, y compris les messages privés. L’enquête vise à déterminer s’ils ont fourni à Wikileaks des informations confidentielles.

Au mois de mars, l’Electronic Frontier Foundation (EFF) et l’Union américaine pour les libertés civiles (ACLU) avaient échoué dans leur tentative de faire annuler l’ordonnance, et le jugement de jeudi dernier confirme l’obligation faite à Twitter de livrer les informations personnelles.

« Avec cette décision, le tribunal dit à tous les utilisatuers d’outils en ligne hébergés aux USA que le gouvernement des Etats-Unis aura un accès secret à leurs données« , s’est offusquée Birgitta Jónsdóttir, dans une réaction relayée par l’EFF. « Les gens à travers le monde vont en prendre note, et puisqu’ils peuvent facilement déménager leurs données vers des entreprises qui les hébergent dans des lieux qui protègent mieux la vie privée que les Etats-Unis, je m’attends à ce que beaucoup le fassent« , ajoute-t-elle.

Au mois de septembre, les Pays-Bas avaient indiqué leur volonté de bannir les services en ligne américains dans l’administration, au nom de cette protection des données personnelles. Le problème de souveraineté est pris au sérieux par l’Europe, qui a lancé une consultation publique sur le cloud. En France, la CNIL a aussi lancé une consultation, mais réservée pour le moment aux seuls services dédiés aux entreprises.

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