La Suisse ne modifiera pas sa législation pour faire face au piratage. Le Conseil fédéral estime en effet que le cadre actuel suffit pour répondre aux défis de la révolution numérique et pour protéger les intérêts des ayants droit. Dans un rapport, elle rejette l’idée d’instaurer une Hadopi en Suisse et se montre critique à l’égard de l’ACTA et du filtrage.

La Suisse ne marchera pas dans les pas de la France en matière de lutte contre le téléchargement illégal sur Internet. Tandis que l’Hexagone a choisi d’accroître ses efforts pour endiguer le piratage, en développant le dispositif Hadopi, les Suisses ont choisi de s’en tenir au cadre juridique actuel pour répondre à ce défi. Autrement dit, il n’y aura pas de riposte graduée chez les Helvètes.

Internet modifie notre consommation

« Internet a profondément modifié notre façon de consommer de la musique, des films et des jeux informatiques. Ces nouvelles habitudes ne devraient toutefois pas avoir de conséquences négatives sur la création culturelle. Le cadre juridique actuel permet de répondre de manière adéquate au problème des utilisations illicites d’œuvres. Il n’y a donc pas lieu de prendre des mesures législatives » note le Conseil.

Pour justifier cette position, le Conseil fédéral a remis un rapport (.pdf) sur les utilisations illicites d’œuvres sur Internet. Dans ce document, l’organe exécutif de la Suisse explique pourquoi la loi actuelle est suffisante. Cela ne signifie pas pour autant que le pays compte adopter une attitude complaisante à l’égard de ce phénomène. Mais les faiblesses du dispositif français n’incitent pas à aller plus en avant sur ce sujet.

Hadopi, un levier d’action « plutôt limité ».

Sur l’Hadopi, le Conseil se montre assez réservé. Bien que la Haute Autorité « se prévale de quelques succès, il est impossible d’évaluer à l’heure actuelle l’impact de ces avertissements à long terme. D’un point de vue objectif, les effets de ce levier d’action semblent plutôt limités« . Dès lors, le faible impact de la riposte graduée à la française ne justifie pas les lourds investissements qu’un tel mécanisme réclame.

« La réponse graduée […] nécessite la mise en place d’un lourd appareil administratif. Les coûts annuels de fonctionnement de l’Hadopi s’élèvent à 12 millions d’euros selon le budget 2011 du ministère français de la culture et de la communication » rappelle le Conseil. Par ailleurs, les engagements internationaux de la Suisse risquent de ne pas être compatibles avec la « solution française« .

L’ACTA et la responsabilité des FAI

Le Conseil fédéral s’est également très prudent sur les autres pistes. L’ACTA a notamment montré les limites de l’exercice. « Il s’est avéré que même entre États partageant les mêmes valeurs et poursuivant les mêmes buts, il était impossible de trouver un consensus allant au-delà d’un simple engagement à encourager la collaboration entre fournisseurs d’accès à Internet et titulaires de droits« .

Le projet d’accord international vise en effet à augmenter la responsabilité des FAI face au piratage et a prendre des « mesures répressives« , dans la mesure où ils « occupent de par leur activité une place de choix pour exercer un contrôle sur l’accès à la Toile« . Jusqu’à présent, la Suisse est l’un des rares pays engagés dans les négociations à ne pas avoir encore signé le traité.

Le filtrage n’a pas non plus les faveurs de la Suisse

« Le verrouillage d’Internet par un fournisseur d’accès suscite des réserves comparables à celles formulées à l’égard de la réponse graduée. Ces mesures ne sont guère compatibles avec le droit à la liberté d’expression, et le fait que ce verrouillage ne soit pas ordonné par un tribunal, mais qu’il émane d’une entreprise privée le rend encore plus problématique« .

« On évoque l’emploi de technologies de filtres en guise d’alternative, mais elles se heurtent également à des réticences liées à la protection des données. On craint, de surcroît, qu’elles ralentissent sérieusement la vitesse de connexion à Internet. Pour l’heure, cette approche ne semble donc pas non plus très prometteuse d’un point de vue pratique ».

Les usages évoluent et les industries doivent suivre

En fin de compte, il n’y a pas lieu de prendre des mesures législatives spécifiques, le cadre actuel suffit. Surtout, le Conseil estime qu’il ne faut pas légiférer à l’emporte-pièce alors que les usages subissent de profondes mutations. D’autant que l’analyse du Conseil montre que la consommation légale de contenus culturels reste stable, même si elle évolue.

« On observe cependant des transferts au sein de ce budget. Ainsi, les utilisateurs et utilisatrices de sites de partage continuent d’investir dans le secteur du divertissement les économies qu’ils réalisent en téléchargeant des contenus sur Internet, mais au lieu d’acheter des CD et des DVD, ils s’offrent des billets de concert et de cinéma et des produits de merchandising » écrit le Conseil fédéral.

« Ce sont surtout les grandes sociétés de production étrangères qui pâtissent de ces nouvelles habitudes de consommation et qui doivent s’y adapter. Comme le montrent les transferts dans le budget divertissement esquissés dans le rapport, les craintes de voir cette évolution avoir un impact négatif sur la création culturelle suisse sont infondées« .

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