Il était temps ! Le Conseil de l’Union européenne, qui regroupe les représentants des gouvernements des pays membres, a annoncé jeudi dans un communiqué (.pdf) de nouvelles sanctions économiques contre le régime syrien de Bachar el-Assad. Parmi les mesures restrictives prises à l’encontre de la Syrie se trouve l’interdiction d’exporter des outils de filtrage et de surveillance des réseaux de télécommunications.
« Les exportations d’équipements et de logiciels destinés à la surveillance des communications Internet et téléphoniques par le régime syrien seront également interdites » écrit le Conseil. Cette décision est accompagnée d’autres sanctions frappant le secteur bancaire syrien ainsi que les exportations de technologies portant sur le traitement des hydrocarbures. Plusieurs interdictions de visa ont été aussi décidées.
Ces restrictions commerciales ne sont évidemment pas les premières prises par l’Union européenne. Depuis cet été, les États membres – ainsi que les États-Unis – ont décidé de punir la Syrie qui s’emploie depuis plusieurs mois à écraser violemment la révolte qui gronde depuis le début de l’année. Comme de nombreux autres pays de la région, la Syrie a en effet elle aussi été gagnée par le printemps arabe.
La décision du Conseil de l’Union européenne de bloquer l’exportation d’outils dédiés à la surveillance et au filtrage des réseaux en Syrie est évidemment à saluer. Cependant, il est fort probable que celle-ci arrive trop tard. Le régime de Bachar el-Assad a sans doute eu tout le loisir de s’équiper. D’ailleurs, le pays est considéré comme un « ennemi d’Internet » par Reporters Sans Frontières.
L’Union européenne aurait dû interdire dès le début le moindre commerce sur ces technologies avec la Syrie. Et avec les autocraties du même accabit, comme la Libye. Rappelons au sujet de ce pays que la filiale de Bull, Amesys, a participé à la surveillance du net en employant des techniques d’inspection profonde de paquets (DPI), selon des documents révélés en octobre par Médiapart.
Les labs Hadopi avaient également évoqué la question du filtrage dans les pays autoritaires, en expliquant que la mise en place d’une telle technologie dans l’Hexagone, en plus de poser des graves problèmes en matière de vie privée, risque de donner un mauvais signal à ces régimes. Ces derniers se sentiront encouragés si des démocraties se lancent dans une pareille aventure.
Certains Etats ont déjà utilisé et utilisent encore, pour certains, des technologie de filtrage et de blocage, le DPI par exemple, notamment la Syrie ou encore la Lybie afin d’espionner les populations, tenter de contrôler les émeutes, ou encore anticiper les mouvements rebelles. Il serait possible de résumer grossièrement en disant que la technologie de DPI permet non seulement une violation de la vie privée, mais également une répression (parfois indirectement sanglante) des populations qui souhaiteraient faire usage de leurs libertés d’expression, de manifestation, de droits politiques.
Ce type d’actions n’est pas acceptable en France et ce pour deux raisons. La première tient au fait que la France fait figure de Mère Patrie en matière de Droits de l’Homme et de libertés constitutionnellement garanties. La seconde raison est une question de rayonnement de la France sur la scène diplomatique, justement pour son attachement profond aux libertés fondamentales : certains Etats n’ont pas la même vision des réseaux et des libertés fondamentales que la France ou le Royaume-Uni et si certains risquent d’utiliser l’argument de l’exemple français pour procéder à l’installation de technologies de filtrage et de blocage, d’autres vont plutôt prendre le contre-pied pour devenir ce que l’on appelle parfois des paradis numériques.
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