La principale difficulté lorsque l’on a l’ambition de poursuivre les internautes ne respectant pas le droit d’auteur, c’est d’être soi-même irréprochable sur ce terrain. Surtout lorsque l’on représente un parti politique qui vote en faveur de lois toujours plus répressives contre le piratage. Sinon, les internautes auront tôt fait de repérer le décalage entre le discours et les actes en matière de respect des droits de propriété intellectuelle.
Ces derniers jours, le site You Have Downloaded a justement jeté un pavé dans la mare, en recensant les téléchargements illégaux effectués via le réseau P2P BitTorrent depuis des trackers publics. Selon les informations collectées par You Have Downloaded, des adresses IP appartenant à l’Élysée et même à la RIAA, l’association en charge de défendre les droits d’auteur de l’industrie du disque, ont en effet été repérées.
L’affaire, révélée mi-décembre, a évidemment fait jaser, puisqu’elle a placé les tenants de la lutte contre le piratage dans une position quelque peu inconfortable. En effet, la RIAA et l’Élysée ont chacun agi, à leur niveau, pour contrer le téléchargement illicite. En France, c’est justement à l’Élysée que les accords Olivennes ont été signés en 2007, première étape vers la création de la loi Hadopi.
Or voilà qu’après l’Élysée, c’est au tour du ministère de la culture d’être en mauvaise posture. D’après les informations recueillies par Nicolas Perrier (NikoPik), la Rue de Valois fréquente assidûment les réseaux P2P. Au total, lui et ses lecteurs ont repéré pas moins de 261 fichiers téléchargés sur BitTorrent. Et sur les 65 025 adresses IP officiellement attribuées au ministère, 252 ont été prises la main dans le sac.
Des films, des séries, des jeux vidéo…
Les téléchargements en question sont survenus au cours des deux derniers mois et concernent divers domaines. Il y a bien entendu des films plus ou moins récents (Maman j’ai raté l’avion, Captain America, Jonah Hex, Conan, Twilight, Minuit à Paris, Le Discours d’un roi, Bad Teacher, Insidious, Jurassic Park, Time Out…) et de la musique (Justin Bieber, Sucker Punch, Enrique Iglesias, David Guetta, The Verve…).
Il y a également des séries télévisées (Dexter, True Blood, The Big Bang Theory, Terra Nova, Misfits, Breaking Bad, 90210 Beverly Hills…), des jeux vidéo (StarCraft 2, Commandos, The Witcher 2, Assassin’s Creed, Call of Duty : Modern Warfare 3, Deux Ex), des logiciels (Adobe Photoshop Elements 10), ainsi que des vidéos pornographiques (Bangbus).
L’injection d’adresses IP dans les trackers
Face à ces découvertes, il faut évidemment faire preuve de prudence. Il est possible que les adresses IP du ministère de la culture ont été injectées dans un tracker public afin de causer du tort au gouvernement, si prompt à défendre les industries du divertissement. Cette technique est connue et a failli être utilisée par The Pirate Bay fin 2008 pour fausser complétement la riposte graduée.
Cette éventualité révèle ainsi la fragilité de la méthode de collecte des adresses IP dans le cadre de la riposte graduée. En effet, la méthodologie employée par TMG, la société chargée par les ayants droit de repérer les adresses « fautives », n’a fait l’objet d’aucune certification, alors même que ses constats sont utilisés comme preuve dans le cadre d’une procédure pénale.
Forts soupçons de piratage au ministère
Une hypothèse évoquée par Nicolas Perrier, mais qu’il écarte en faisant remarquer que « de nombreux fichiers reviennent plusieurs fois dans cette liste, en transitant via une adresse IP différente mais appartenant toujours au Ministère« . Selon lui, « les chances pour que des adresses IP appartenant au même organisme et apparaissant plusieurs fois pour un seul et même fichier téléchargé sont extrêmement minces« .
Il évoque d’ailleurs le cas d’un utilisateur téléchargeant un fichier en plusieurs étapes. Si l’ordinateur est redémarré entretemps, déplacé à un autre endroit ou si le téléchargement est suspendu pendant un moment, le piratage sera inévitablement repéré par You Have Downloaded mais avec une nouvelle adresse IP à chaque fois, qui sera attribuée par le réseau du ministère de la culture.
Reste désormais à savoir si la Hadopi va venir en aide au ministère de la culture, en lui fournissant une liste de moyens de sécurisation – ce qui est à l’heure actuelle peu probable dans la mesure où la Haute Autorité a forcé les textes pour envoyer ses premiers avertissements sans attendre la labellisation de ces moyens – ou si elle va surveiller avec une attention toute particulière les activités du ministère.
Et envoyer des avertissements en conséquence.
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