La réaction du ministère de la culture et de la communication était attendue. Elle n’a finalement pas tardé. Quelques heures après les découvertes de Nicolas Perrier, qui a constaté que certaines adresses IP attribuées à la Rue de Valois seraient liées à des téléchargements illicites, les services de Frédéric Mitterrand ont diffusé un communiqué récusant ces allégations.
« La direction des systèmes d’information du ministère veille strictement à l’utilisation qui est faite des ordinateurs de son parc. La configuration de son réseau empêche la connexion à des réseaux de pair-à-pair, ce qui exclut toute possibilité d’usage de tels réseaux à des fins de téléchargement illégal » explique le ministère, cité par le Nouvel Observateur, qui annonce des « vérifications internes« .
Selon le site You Have Downloaded, certains fonctionnaires de la Rue de Valois auraient utilisé le réseau du ministère pour télécharger sur le réseau BitTorrent des contenus protégés par le droit d’auteur. 252 adresses IP ont été pointées du doigt et divers contenus sont concernés, allant des films à des albums de musique, en passant par des jeux vidéo, des séries TV ou des programmes.
Pour les services de Frédéric Mitterrand, cet épisode ne remet en aucune façon en cause le principe de la riposte graduée et l’intérêt de l’Hadopi pour lutter contre le téléchargement illicite et développer l’offre légale. Quelques jours plus tôt, l’Élysée avait également dû sortir un communiqué pour affirmer qu’aucun piratage n’était survenu depuis les ordinateurs de son réseau.
De plus, « le procédé utilisé par le site YouHaveDownloaded.com ne peut en aucune manière être comparé avec la méthodologie [de] l’Hadopi » est-il ajouté. « Les constatations effectuées par ce procédé ne peuvent donc remettre en cause le processus mis en place par l’Hadopi, en particulier en ce qui concerne la fiabilité des constats établis à partir d’une adresse IP« .
Or justement, la fiabilité des constats établis à partir d’une adresse IP peut être mise en doute s’il s’avère effectivement qu’aucun téléchargement illicite ne s’est produit depuis le réseau du ministère de la culture et de la communication. Si ses adresses se sont retrouvées sur les trackers publics et si aucun piratage n’a eu lieu depuis les ordinateurs du parc de la Rue de Valois, cela signifie qu’elles ont été injectées de force.
Or, si ce procédé est possible avec les adresses IP du ministère de la culture ou de l’Élysée, il est possible de le refaire avec l’adresse IP de n’importe quel internaute français. Dans ces conditions, c’est toute la procédure mise en place par l’Hadopi et TMG, la société chargée par les ayants droit de flasher les adresses IP suspectées de télécharger des contenus protégés par le droit d’auteur, qui est ébranlée.
De son côté, l’Hadopi veut tempérer les réactions des uns et des autres en indiquant que « la méthode utilisée par le prestataire des ayants droit (TMG) ne se limite évidemment pas à un simple relevé des informations disponibles sur les » trackers « , ce qui la protège de l’injection de fausses informations, mais encore celle-ci s’assure bien de la réalité d’un partage non autorisé, et non de sa seule annonce« .
Peut-être. Mais comme nous l’indiquions, la méthodologie employée par la société chargée de collecter les adresses IP envoyées à l’Hadopi n’a fait l’objet d’aucune certification, ni d’aucun contrôle du processus alors-même que ses constats sont utilisés comme preuves dans le cadre d’une procédure pénale. Elle paraît donc au moins suspicieuse, d’autant que la CNIL a dénoncé l’absence de contrôle de TMG.
Pour l’Hadopi, il faut se garder de « toute conclusion hâtive obtenue par comparaison de deux processus incomparables dans les faits. A l’heure actuelle, rien ne permet d’affirmer une quelque fragilité du dispositif mis en œuvre par les ayants droit et l’Hadopi dans le cadre de la réponse graduée, mais, au contraire, l’expertise dilligentée à la demande de l’Hadopi a apporté toutes assurances sur sa fiabilité« .
Une fiabilité que l’internaute accusé de ne pas avoir sécurisé sa connexion Internet ne pourra pas remettre en cause immédiatement, puisque il n’est pas possible d’accéder aux procès-verbaux qui ont déclenché la procédure avant la convocation devant le juge. De ce fait, leur validité ne peut pas être critiquée, ou annulée pour casser la mécanique de la riposte graduée dès le premier mail, première étape de la chaîne pénale.
Pour contester la fiabilité des PV, il faudra qu’un premier dossier soit envoyé devant le parquet. Ce que la Haute Autorité promet pour le printemps 2012. Au plus tard.
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