François Hollande a encore changé de version sur ce qu’il voulait faire de l’après Hadopi. Alors qu’il proposait il y a une semaine d’instaurer une taxe payée par les internautes et distribuée aux ayants droit sans contrepartie juridique, voilà que le candidat socialiste change discrètement de proposition. Il n’est toujours pas question de légaliser les échanges d’oeuvres, mais la taxation des internautes a disparu. En tout cas frontalement, puisque la taxation des « acteurs d’internet » reste au programme.

Incroyable, et pourtant vrai. Quelques jours seulement après présenté son programme et détaillé ses « 60 engagements pour la France », François Hollande a encore modifié la rédaction de la proposition n°45 relative à l’après-Hadopi. Pour mémoire, la première version que certains avaient interprété à tort comme l’annonce d’une licence globale se lisait ainsi :

Je remplacerai la loi Hadopi par une grande loi signant l’acte 2 de l’exception culturelle française, qui conciliera la défense des droits des créateurs et un accès aux œuvres par internet facilité et sécurisé. La lutte contre la contrefaçon commerciale sera accrue en amont, pour faire respecter le droit moral, pilier des droits d’auteur, et développer les offres en ligne. Les auteurs seront rémunérés en fonction du nombre d’accès à leurs œuvres grâce à un financement reposant à la fois sur les usagers et sur tous les acteurs de l’économie numérique qui profitent de la circulation numérique des œuvres.

Pour ceux qui doutaient encore que cela n’annonçait rien de bon, l’entourage de François Hollande a achevé de convaincre. « Il y aura toujours ce couperet (de la condamnation par un tribunal, ndlr) qui pourra être pédagogique« , avait précisé Fleur Pellerin, la conseillère numérique du candidat socialiste. Au revoir donc toute idée de légalisation ou de dépénalisation du partage d’œuvres, y compris dans l’espace non marchand, mais bonjour la taxation des internautes et des FAI au seul profit des ayants droit.

Très discrètement, cependant, François Hollande a modifié la rédaction de la proposition 45 qui figure dans son programme (.pdf). La version mise à jour lundi se lit désormais ainsi :

Je remplacerai la loi Hadopi par une grande loi signant l’acte 2 de l’exception culturelle française, qui conciliera la défense des droits des créateurs et un accès aux œuvres par internet facilité et sécurisé. La lutte contre la contrefaçon commerciale sera accrue en amont, pour faire respecter le droit d’auteur et développer les offres en ligne. Les auteurs seront rémunérés en fonction du nombre d’accès à leurs œuvres grâce à un â
financement reposant sur les acteurs économiques qui profitent de la circulation numérique des œuvres
.

« D’abord, il a hésité sur HADOPI. Maintenant il hésite sur le financement de la culture. Dans une première version de son programme, François Hollande proposait de faire payer deux fois les internautes pour accéder à la culture : sous forme d’une taxe et sous forme d’un paiement à l’usage de l’offre légale. Dans la deuxième version sortie aujourd’hui, on peut s’apercevoir que la taxe sur les internautes a finalement disparu ! A force de changements, François Hollande se perd lui-même dans son propre programme« , se moque Laure de la Raudière, la secrétaire nationale de l’UMP chargée du numérique, et députée d’Eure-et-Loire.
Dans le fond, le changement opéré dans la rédaction ne change rien. Il permet juste de faire passer plus facilement la pilule. Il n’est plus question de taxer directement les internautes, mais de les taxer indirectement en tapant au porte-monnaie des « acteurs économiques ». In fine, c’est le consommateur qui paiera.
L’étrange mention du « droit moral pilier des droits d’auteur », qui avait étonné même les plus farouches partisans de l’Hadopi, a également disparu. François Hollande « appelle pompeusement (son après Hadopi) l’acte 2 de l’exception culturelle, sans savoir ce qu’il souhaite en faire« , tacle Laure de la Raudière, qui souhaite « bonne chance aux internautes et aux ayants droit pour y voir clair« .
Dans un communiqué, Laure de la Raudière profite de ce nouveau couac de François Hollande pour revenir sur le contenu du programme de François Hollande, où le numérique brille par son absence. « Pour François Hollande, le numérique ne semble vraisemblablement pas mériter sa place dans un programme présidentiel« , regrette la députée. « Pas une proposition concrète, ni même une seule ligne sur le numérique en dehors de son lien avec la culture et d’une mention sur le déploiement du Très Haut Débit et. A croire que pour François Hollande, les usages du numérique ne se résumeraient qu’à la culture : compétitivité des filières numériques, efficience des entreprises par l’utilisation accrue du numérique, e-éducation, e-santé, télétravail, open data et e-démocratie sont les grands oubliés du candidat socialiste !« .
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