L’INRIA, qui rassemble 3400 chercheurs dédiés à l’innovation numérique, auteurs de nombreux logiciels libres, a signé un accord avec France Brevets pour vendre des licences de ses brevets non exploités. En quatre ans, l’institut de recherche publique a quadruplé le nombre de ses dépôts de brevets, et veut continuer sur cette lancée.

Sous l’impulsion du président Nicolas Sarkozy, la France entend devenir une place forte de la propriété intellectuelle dans le monde, en particulier de la propriété industrielle protégée par les brevets. L’Etat veut multiplier le nombre des dépôts de titres protégeant les inventions réalisées sur son territoire, alors-même que l’inflation de brevets est selon nous pour partie responsable de la crise économique (pour la faire courte : les brevets participent de manière excessive à la valorisation financière d’une entreprise, et plus on multiplie les brevets en abaissant l’exigence qualitative, plus le caractère fictif de cette valorisation s’accroît. Par ailleurs, plus il y a de brevets en circulation, plus les TPE/PME sont dissuadées d’innover sur un terrain qui apparaît miné).

« Investir dans l’innovation comme ce Gouvernement le fait depuis 2007 n’aurait pas de sens si nous ne protégions pas ces innovations, et ne donnions pas aux entreprises les moyens de protéger leurs innovations« , a encore rappelé vendredi le ministre de l’industrie Eric Besson, dans un discours prononcé à l’occasion des rencontres internationales de la propriété industrielle. « Une entreprise, pour innover, a besoin de financements, elle a besoin de pouvoir valoriser son innovation, mais elle a aussi et avant tout besoin de savoir que son innovation sera correctement protégée« .

Pour concrétiser sa vision, l’Etat a donc donné naissance l’an dernier à France Brevets, une société dotée d’un capital de 100 millions d’euros apporté pour moitié par la Caisse des Dépôts et pour l’autre moitié par les Investissements d’Avenir (le grand emprunt). Curieusement, la création de cette structure n’a pas provoqué d’émoi alors qu’elle est un véritable « patent troll » étatique, dont la seule raison d’être est d’accumuler des brevets dans le public et dans le privé pour ensuite partir en chasse de tous les acteurs dans le monde susceptibles d’être intéressés par (ou de violer) l’un ou l’autre des titres du portefeuille, pour leur faire payer des licences. Alors que la Grande-Bretagne cherche plutôt à faire le ménage pour accroître la qualité de la propriété intellectuelle qu’elle protège, la France semble vouloir faire tout l’inverse.

Et il n’est pas rassurant de voir que l’un des tous premiers partenariats signé par France Brevets l’est avec l’INRIA (Institut national de recherche en informatique et automatique), qui a pour première activité de développer des logiciels, souvent sous licence libre. « Inria produit essentiellement des logiciels mais nous avons mis en place depuis 2008 un programme ambitieux pour augmenter notre portefeuille brevets et sa valorisation. Ce partenariat avec France Brevets, qui a vocation à devenir l’acteur de référence en la matière, va nous permettre d’aller encore plus loin dans cette voie« , explique Bruno Sportisse, le directeur du transfert et de l’innovation à l’INRIA.

Concrètement, l’Institut apporte à France Brevets tous ses brevets qui ne sont pas exploités par les voies traditionnelles de la valorisation de la recherche publique (essentiellement des partenariats avec des industriels autour de laboratoires communs, ou la création de start-ups par les chercheurs). France Brevets aura alors en charge de trouver des débouchés potentiels.

L’INRIA développe chaque année entre 100 et 150 logiciels, dont une partie non négligeable est publiée sous licence libre. Mais « depuis 2008, nous avons néanmoins multiplié par 4 nos dépôts de brevets, les portant à une vingtaine de familles par an« , explique à L’Usine Nouvelle Bruno Sportisse.

Le risque, bien sûr, est d’orienter les chercheurs vers des travaux qui peuvent faire l’objet de dépôts de brevets plutôt que vers des logiciels – qui plus est libres – dont la valorisation est plus délicate grâce à l’interdiction de leur brevetabilité en Europe (en attendant le brevet unitaire européen poussé par la France).

Jean-Charles Hourcade, le directeur général de France Brevets, explique pour sa part pourquoi la société a ciblé en priorité les TIC pour rassembler ses premiers portefeuilles de brevets : « C’est là que les enjeux, les transactions et surtout le nombre de dépôts de brevets dans le monde sont les plus importants« .

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