Le gel des plaintes devient une réalité juridique. La Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL) tenait mardi une séance dont l’ordre du jour portait sur la traque des internautes présumés pirates. Deux sociétés d’auteurs, la SACEM et la SDRM, et deux sociétés de producteurs (la SCPP et la SPPF), demandaient à la Commission de valider les moyens qu’elles souhaitaient mettre en œuvre pour lutter contre les pirates. Depuis août 2004, les sociétés de gestion collective de droits d’auteurs ont la possibilité de traquer les pirates sur Internet, mais à la condition sine qua non de recevoir l’agrément de la CNIL sur leurs méthodes.
En avril et en juillet 2005, les quatre sociétés ont déposé strictement le même dossier en vue de mettre en œuvre des dispositifs leur permettant :
- d’envoyer des messages de prévention aux internautes mettant à disposition des œuvres musicales sur les réseaux « peer to peer », et
- de rechercher et constater la mise à disposition illégale d’œuvres musicales sur les réseaux d’échanges de fichiers « peer to peer »
Mais réputée très sensible sur ce type de dossiers, La CNIL indique qu’elle « a procédé à un examen approfondi des dispositifs qui lui ont été soumis et a considéré qu’elle ne pouvait, en l’état, autoriser leur mise en œuvre« .
Pas de riposte graduée possible
Concernant l’envoi d’e-mails d’avertissement par l’intermédiaire des fournisseurs d’accès à Internet, la CNIL s’est montrée très stricte. « L’envoi de messages pédagogiques pour le compte de tiers ne fait pas partie des cas de figure où les fournisseurs d’accès à internet sont autorisés à conserver les données de connexions des internautes« , jugent les membres de la Commission, qui rappellent en outre que « les données collectées à l’occasion des traitements portant sur des infractions aux droits d’auteur ne pourront acquérir un caractère nominatif que sous le contrôle de l’autorité judiciaire« .
En clair, dès que le FAI reçoit une plainte avec une adresse IP et envoie automatiquement un mail de notification à son abonné, il procède à « un traitement automatisé d’infraction », ce qu’il n’est pas autorisé à faire. Les légendaires courriers de Club-Internet ou d’AOL devront donc cesser.
Voilà qui devrait poser un très sérieux problème à la filière cinématographique, qui s’était mise d’accord avec les FAI pour mettre en place une riposte graduée dont les deux premières étapes étaient l’envoi d’un e-mail puis d’une lettre postale avec accusé de réception…
Pas de traque du pirate possible
Concernant la recherche des internautes pirates elle-même, c’est-à-dire la collecte des adresses IP des P2Pistes partageant des fichiers protégés par le droit d’auteur, « la Commission a estimé que les dispositifs présentés n’étaient pas proportionnés à la finalité poursuivie« . La CNIL dénonce « la collecte massive de données à caractère personnel« , beaucoup trop large et systématique par rapport aux objectifs poursuivis. Elle dénonce surtout les méthodes de l’industrie du disque, qui sélectionne « les internautes susceptibles de faire l’objet de poursuites pénales ou civiles sur la base de seuils relatifs au nombre de fichiers mis à disposition qui sont déterminés uniquement par les sociétés d’auteurs [qui] se réservent la possibilité de [les] réviser unilatéralement à tout moment« .
Ainsi la décision de la CNIL, couplée aux conflits de brevets entre les deux prestataires CoPeerRight Agency et AdVestigo, devraient mettre un terme, au moins provisoirement, à toute tentative de procédure judiciaire contre les P2Pistes français.
Nous reviendrons très rapidement sur ce dossier pour faire le tour des réactions et apporter quelques éclaircissements sur l’avenir des plaintes en France.
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