Née péniblement sous la présidence de Nicolas Sarkozy, la loi Hadopi aura été sans aucun doute l’une des mesures les plus contestées de son quinquennat. Aujourd’hui, tous les candidats à l’élection présidentielle se prononcent soit pour la suppression de la Haute Autorité soit pour sa profonde réorganisation. Seul l’actuel chef de l’État, qui a dépensé beaucoup de capital politique dans cette loi, veut maintenir le dispositif tel quel.
Le président de la République doit donc vaille que vaille défendre son texte, qui fait partie intégrante de son bilan, et démontrer son utilité en matière de lutte contre le piratage et d’encouragement de l’offre légale. Or, la récente note d’analyse de l’Hadopi sur l’impact de la riposte graduée après un an et demi d’existence lui donne une occasion inespérée de le faire (.pdf).
Adhérant complètement aux conclusions du rapport de la Haute Autorité, Nicolas Sarkozy « s’est réjoui des résultats remarquables » obtenus par l’autorité publique indépendante. Pour le président, il s’agit avant de la « réussite du pari de la pédagogie« , même si celle-ci a montré ses limites. Les premiers dossiers d’abonnés ayant atteint le troisième avertissement ont été transmis aux parquets, ouvrant ainsi la voie au contentieux.
« La ‘réponse graduée’ est donc bien à l’origine d’un changement majeur dans les comportements des internautes, alors même qu’aucune peine d’amende ou de suspension de l’accès à internet n’a encore été prononcée par le juge« , a-t-il ajouté. C’est vrai. Personne n’a perdu sa connexion à cause d’Hadopi ou dû payer une amende de 1500 euros. Mais l’action pénale n’est pas suspendue pour autant.
Les ayants droit peuvent toujours conduire des actions judiciaires en contrefaçon en marge de l’Hadopi. Et les peines dans ce cadre sont autrement plus sévères : jusqu’à 300 000 euros d’amende et 3 ans de prison. Si l’infraction est commise en bande organisée, les peines peuvent atteindre 500 000 euros d’amende et 5 ans de prison.
Nicolas Sarkozy estime que l’Hadopi a aussi eu un impact sur le piratage des œuvres culturelles, « qui a reculé en France dans des proportions considérables« . Sauf qu’il est fort probable que malgré des mesures d’audience conduites par Médiamétrie / NetRatings, nombre de pratiques passent sous le radar, ce qui rend incertaine toute conclusion définitive. D’autant que la méthode choisie induit un biais.
À la lumière de cette note d’analyse, Nicolas Sarkozy en est persuadé. « Ce bilan indiscutable consolide le rôle pionnier de la France en matière d’adaptation des industries culturelles à l’ère numérique, en ce qui concerne aussi bien la défense du droit d’auteur que le développement des offres en ligne« . Bilan qui doit pourtant être discuté, au regard du manque de données objectives.
« Grâce au succès de la ‘réponse graduée’, qui se diffuse largement à l’étranger, la France dispose d’une crédibilité très forte pour aborder avec ses partenaires européens et internationaux les prochains enjeux de l’économie de la culture« , a-t-il ajouté, oubliant que la riposte graduée a été la cible de vives critiques de la part du commissaire européen Karel de Gucht mais aussi d’un rapport de l’ONU.
Enfin, faut-il se féliciter d’une politique qui a aboutit à la création d’une loi censurée par le Conseil constitutionnel, et qui ne doit son salut qu’à la création d’un artifice juridique, à savoir la condamnation du défaut de sécurisation de l’accès Internet, plutôt que la contrefaçon en elle-même ?
Qu’il est loin le temps où Nicolas Sarkozy estimait que la baisse des prix est la seule réponse au piratage.
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