La semaine dernière avait lieu au tribunal de grande instance de Paris une audience réunissant les ayants droit du cinéma et de l’audiovisuel (SEVN, PDFN et APC), quatre éditeurs de moteurs de recherche (Google, Microsoft, Yahoo, et Orange) et les principaux fournisseurs d’accès à Internet français. Tous étaient là pour évoquer le sort des sites Allostreaming, qui ont pourtant fermé leurs portes. Les ayants droit veulent être sûrs qu’ils ne reviendront pas en ligne, en demandent aux FAI et aux moteurs de recherche d’en bloquer l’accès et de les dé-référencer dès leur apparition en ligne.
L’audience résumée par PCInpact était très importante, puisqu’elle devait permettre au juge de déterminer l’opportunité de recourir au rouleau-compresseur voulu par les ayants droit avec la complicité de TMG. Plutôt que de revenir au tribunal dès qu’un site miroir est ouvert, les professionnels du cinéma demandent en effet que le juge lui confie un « permis de bloquer » général, utilisable dès qu’une copie d’Allostreaming est mise en ligne, sans contrôle judiciaire. Tout serait privatisé et automatisé par l’intermédiaire d’un logiciel développé par TMG, de la découverte des sites miroirs jusqu’à l’ordonnance de blocage envoyée aux FAI.
Si elle était acceptée, une telle demande ne serait pas sans conséquences pour la préservation des libertés publiques. Dans l’affaire Copwatch, le juge avait refusé au ministère de l’intérieur d’ordonner le blocage des miroirs futurs, en estimant que seule la loi pouvait le contraindre à « déléguer des prérogatives de son pouvoir juridictionnel« . Mais les ayants droit estiment que le code de la propriété intellectuelle leur donne des arguments que ne pouvait pas évoquer Claude Guéant concernant une affaire de droit commun.
L’article L336-2 du code de la propriété intellectuelle confie en effet au juge le droit d’ordonner « toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser une telle atteinte à un droit d’auteur ou un droit voisin, à l’encontre de toute personne susceptible d’y remédier« . La disposition législative est extrêmement large, puisqu’elle permet de faire à peu près et n’importe quoi, pourvu que ça permette non pas seulement de mettre fin à une contrefaçon, mais aussi de l’empêcher de voir le jour.
Or c’est aussi au nom de cette « prévention » des atteintes au droit d’auteur que les ayants droit ont demandé au tribunal de faire bloquer 105 noms de domaine, dont la plupart ne seraient pourtant pas (encore ?) utilisés pour pirater. Ils ont expliqué au juge que les responsables d’Allostreaming « auraient enregistré des dizaines et des dizaines de domaines avec le mot clé « Streaming », un mot « caractéristiques de l’activité largement dénoncée »« , rapporte PCInpact.
Si le juge leur donne raison, les noms de domaine ne seraient pas bloqués parce qu’ils seraient illicites en eux-mêmes, ou parce qu’ils conduisent à des activités illicites, mais parce qu’ils sont susceptibles de conduire à des activités illicites le jour où ils seront éventuellement exploités.
Ca n’est pas encore Minority Report, mais ça commence à y ressembler.
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