L’entrée en vigueur de l’accord commercial anti-contrefaçon (ACTA) au sein de l’espace européen est chaque jour un peu plus incertaine. Alors que les députés européens auront à se prononcer sur le texte dans un peu plus de deux mois lors d’une session plénière, le Contrôleur européen de la protection des données (CEPD) vient d’adopter un nouvel avis (.pdf) résolument hostile au projet de traité international.
Dans un communiqué (.pdf) résumant son avis, le CEPD juge « les mesures d’ACTA visant à faire respecter les droits de propriété intellectuelle dans l’environnement numérique pourraient menacer la vie privée et la protection des données si elles ne sont pas correctement appliquées« . Il déplore en particulier le « manque de précision » autour des mesures anti-piratage, entraînant une insécurité juridique pour les Européens.
« Bon nombre des mesures visant à renforcer l’application des droits de propriété intellectuelle en ligne pourraient impliquer la surveillance à grande échelle du comportement des utilisateurs et de leurs communications électroniques« . Ces solutions « très intrusives […] ne doivent être appliquées que si elles sont nécessaires et proportionnées » poursuit le CEPD.
Sur le plan du droit, le CEPD considère qu’une « surveillance indifférenciée ou généralisée » des communications électroniques des internautes « dans la lutte contre des infractions légères, à petite échelle et sans but lucratif » va à l’encontre de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme, mais aussi aux articles 7 et 8 (.pdf) de la Charte des droits fondamentaux.
Le CEPD ajoute enfin que l’ACTA ne satisfait pas les dispositions contenues dans la directive européenne 95/46/CE sur la protection des données personnelles. « Bon nombre des mesures volontaires de coopération en matière de mise en application entraîneraient un traitement de données à caractère personnel par les FAI allant au-delà de ce que législation européenne autorise« .
Le CEPD conclut que l’ACTA « ne contient pas de limitations et de garanties suffisantes, comme une protection juridictionnelle effective, une procédure régulière, le principe de présomption d’innocence et le
droit à la protection de la vie privée et des données personnelles« . Bref, l’accord commercial anti-contrefaçon est un véritable danger pour les libertés fondamentales des Européens.
Réagissant à l’avis du CEPD, la Quadrature du Net estime qu’il s’agit-là de la démonstration « que la ‘coopération’ prévue par l’ACTA entre les acteurs du Net et l’industrie du copyright doit être interprétée dans le contexte de la répression du partage en ligne« . Il s’agit de la preuve que l’ACTA « peut entraîner la surveillance et le filtrage des communications« .
Déjà en 2010, l’accord commercial anti-contrefaçon essuie une salve de critiques de la part du CEPD. À l’époque, il avait été demandé que les droits fondamentaux des Européens ne soient pas sacrifiés sur l’autel de la propriété intellectuelle. « Bien que la propriété intellectuelle est importante pour la société et doit être protégée, elle ne devrait pas être placée au-dessus des droits fondamentaux de l’individu« .
Des droits tels que la vie privée, la protection des données, la présomption d’innoncence ou encore la liberté d’expression.
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