Les juges de la Cour de Justice de l’Union Européenne ont estimé que les auteurs d’API ne pouvaient pas revendiquer de droit d’auteur sur les fonctionnalités de leurs outils ou interdire aux développeurs d’en imiter le fonctionnement pour proposer des API alternatives.

La Cour de Justice de l’Union Européenne, à qui l’on doit plusieurs décisions récentes qui limitent l’emprise du droit d’auteur, a rendu mercredi une nouvelle décision qui rassurera les créateurs de logiciels. La plus haute juridiction a en effet estimé que le droit communautaire faisait obstacle à ce qu’un langage de programmation et le fonctionnement d’une API puissent être protégés par le droit d’auteur. En Europe, n’importe qui peut légitimement réaliser une ingénierie inversée pour découvrir le fonctionnement d’un interpréteur de langage de programmation, pour proposer une solution alternative.

En l’espèce, la CJUE avait été saisie par la Haute Cour de Justice du Royaume-Uni, qui avait à trancher un conflit entre la société SAS Institute, auteur d’un ensemble d’API utilisant son propre langage SAS, et la société World Programming qui avait lancé un logiciel alternatif capable d’exécuter les programmes écrits en SAS.

SAS Institute reprochait à World Programming (WPL) d’avoir enfreint la licence de sa solution Système SAS, et d’avoir violé ses droits d’auteur en reproduisant les fonctionnalités de l’API et en recopiant en partie le manuel d’utilisation destiné aux développeurs.

Mais dans son arrêt, la CJUE rappelle tout d’abord que « ni la fonctionnalité d’un programme d’ordinateur ni le langage de programmation et le format de fichiers de données utilisés dans le cadre d’un programme d’ordinateur pour exploiter certaines de ses fonctions ne constituent une forme d’expression » protégée par le droit d’auteur.

« Admettre que la fonctionnalité d’un programme d’ordinateur puisse être protégée par le droit d’auteur reviendrait à offrir la possibilité de monopoliser les idées, au détriment du progrès technique et du développement industriel« , tacle la Cour.

De plus, remarque-t-elle, « ce n’est que grâce à l’observation, à l’étude et au test du comportement du programme de SAS Institute, que WPL a reproduit la fonctionnalité de celui-ci en utilisant le même langage de programmation et le même format de fichiers de données« . Il n’y a eu à aucun moment violation du code source de SAS Institute. Or la directive européenne de 1991 sur la programmation des programmes d’ordinateur interdit d’interdire l’ingénierie inversée. Pour la Cour, il s’agit même d’un droit. Et « toute disposition contractuelle contraire à ce droit sera nulle et non avenue« .

Par ailleurs, concernant le manuel destiné aux développeurs, il ne peut être protégé au titre du droit d’auteur que si « cette reproduction constitue l’expression de la création intellectuelle propre à l’auteur du manuel« . En clair, il ne faut pas qu’il soit simplement descriptif.

« À cet égard, la Cour considère qu’en l’espèce, les mots-clés, la syntaxe, les commandes et les combinaisons de commandes, les options, les valeurs par défaut ainsi que les itérations sont composés de mots, de chiffres ou de concepts mathématiques qui, considérés isolément, ne sont pas, en tant que tels, une création intellectuelle de l’auteur de ce programme« .

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