Dans le cadre de sa communication pour « un internet mieux adapté aux enfants« , dont nous rapportions ce matin les propositions relatives au filtrage et à la classification des contenus, la Commission européenne s’est également penchée sur la question de la vie privée et du droit à l’oubli des enfants. En particulier sur les réseaux sociaux et les plateformes communautaires.
Pour la Commission, « les paramètres de confidentialité par défaut doivent être configurés de façon à garantir aux enfants la sécurité maximale« . Elle demande donc aux éditeurs de « mettre en œuvre des paramètres de confidentialité par défaut, transparents et adaptés à l’âge, accompagnés d’informations et d’avertissements clairs sur les conséquences potentielles de tout changement qui y est apporté, et d’informations contextuelles sur le niveau de confidentialité de chaque élément requis ou suggéré pour créer un profil en ligne »« .
L’été dernier, la Commission avait mené une étude aux conclusions sévères, sur la protection des mineurs sur les réseaux sociaux. Elle avait constaté que sur 14 sites audités, seuls MySpace et Bebo garantissaient par exemple que les profils des mineurs n’étaient accessibles qu’aux personne figurant dans leur liste d’amis, et qu’il n’était pas possible de contacter un mineur s’il ne figurait pas sur cette liste.
Reste un problème pratique : comment s’assurer que la personne inscrite est bien majeure ?
Le problème est d’autant plus important lorsque l’on sait que 20 % des enfants de 8 à 12 ans ont un compte Facebook, alors qu’officiellement il faut avoir au minimum 13 ans, et que les parents aident les jeunes enfants à s’inscrire (et du coup, à mentir sur leur âge).
La réponse est glissée au fin fond de la communication de la Commission Européenne. Elle évoque en effet sa volonté de « proposer en 2012 un cadre paneuropéen d’authentification électronique qui permettra d’utiliser des attributs personnels (l’âge en particulier) pour garantir le respect des dispositions« . En clair, les réseaux sociaux seront bientôt invités/obligés à réclamer une forme carte d’identité numérique de l’internaute, qui savoir quelles règles appliquer en fonction de l’âge de la personne.
L’an dernier, Bruxelles a justement lancé un chantier sur l’identification en ligne. En France, le législateur avait adopté l’insertion d’une puce d’identification numérique sur la nouvelle carte d’identité nationale. Mais le texte a été censuré par le Conseil constitutionnel, qui a jugé que les dispositions relatives à la puce électronique étaient trop imprécises.
En 2010, Nathalie Kosciusko-Morizet avait lancé le chantier IDénum, qui devait aboutir à une norme pour l’identification en ligne. Mais il n’a eu reçu aucune véritable application concrète depuis. Pire, il subit la concurrence de solutions alternatives comme l’Identic de La Poste, qui n’a cependant guère plus de succès.
En demandant une authentification de l’identité des internautes au prétexte (peut-être sincère) de protéger les enfants, la Commission Européenne ouvre en tout cas une nouvelle brèche dans la liberté d’expression et de communication, qui ne peut être assurée sans le respect d’un droit à l’anonymat. C’est en effet une manière détournée d’aboutir au même résultat qu’en Corée du Sud, où la carte d’identité est exigée avant toute mise en ligne d’un contenu sur une plateforme communautaire.
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