Michel Barnier, chargé du Marché intérieur et des services au sein de la Commission européenne, était présent la semaine dernière à la conférence LetsGoConnected, organisée à Bruxelles par l’industrie culturelle pour parler du numérique et de ses enjeux. A cette occasion, le commissaire européen a livré un discours qui démontre à nouveau toute sa volonté d’aller droit dans le mur en refusant toute négociation sur l’évolution nécessaire des droits d’auteur.
L’homme politique français, que l’on a déjà vu de nombreuses fois à l’œuvre pour relayer sans aucun sens critique la propagande la plus surréaliste des ayants droit, use d’un stratagème bien connu des rhétoriciens. Puisqu’il ne peut combattre une idée saine, il la caricature pour la discréditer. C’est ainsi qu’il a consacré une large place de son discours au « mythe qu’en abolissant le droit d’auteur, tout irait mieux » alors que « dans la réalité, privés de droit d’auteur, les artistes n’auraient plus les moyens de créer« .
Encore une fois, Michel Barnier prouve qu’il ne veut tendre l’oreille qu’à quelques uns, si possible les plus puissants (il commença son discours en saluant « l »initiative » LetsGoConnected » et ceux qui l’ont portée : Bertelsmann, NBC Universal et Vivendi« ).
En réalité, très rares et fort marginaux sont ceux qui demandent une abolition du droit d’auteur. Même le Parti Pirate, qui représente d’ores-et-déjà une force politique majeure en Allemagne et qui présentera plus de 100 candidats aux législatives de juin 2012 en France, ne demande pas qu’il n’y ait plus de droit d’auteur. Il demande qu’il y ait un autre droit d’auteur, plus équilibré.
Il ne faut pas abolir le droit d’auteur, il faut le repenser. Il faut effacer ses excès, par exemple sur l’indéfendable durée de protection des droits qui a été portée à 70 ans après la mort de l’auteur, ce qui limite considérablement le domaine public et réduit la valeur que l’on peut accorder aux œuvres nouvelles.
Il est révélateur que dans son discours, Michel Barnier ne parle des citoyens que comme ceux « qui souhaitent accéder aux contenus qui les intéressent« . Comme si au 21ème siècle, à l’ère de Wikipédia, de Facebook, de BitTorrent ou de Flickr, le public n’était encore qu’un consommateur, et non lui-même un auteur et un diffuseur des œuvres et des savoirs. Comme si la désintermédiation induite par la mise en réseau des hommes ne devait rien changer au droit qui régit la protection et la diffusion des œuvres.
Fidèle à la ligne dure qui est la sienne, Michel Barnier refuse tout débat sur l’évolution du droit d’auteur, et veut au contraire toujours renforcer la lutte contre le piratage, contre le sens de l’Histoire. Il demande à envisager de nouvelles mesures pour « mieux garantir en Europe le respect des droits de propriété intellectuelle et pour promouvoir un usage collectivement plus responsable de ces droits« , et confirme deux pistes déjà évoquées il y a plusieurs semaines :
- « L’identification des circuits financiers liés à la contrefaçon et au piratage« , ce qui est la méthode poussée en France par l’Hadopi pour assécher les sites pirates, mais ce qui n’aura selon nous aucun réel impact sur le piratage qui est davantage mu par la demande que par l’offre ;
- « Un accès facilité à la justice pour les détenteurs de droits« , ce qui doit aboutir au blocage des sites.
Heureusement à la Commission européenne, tout le monde ne semble pas aussi hémiplégique. Les choses bougent, doucement. Ce mois-ci, la vice-présidente Neelie Kroes, en charge de l’agenda numérique, a reconnu qu’à l’avenir « nous serons probablement dans un monde sans SOPA et sans ACTA« , c’est-à-dire sans les solutions promues par Michel Barnier. Elle a aussi incité les parties prenantes à répondre à la consultation lancée par l’Hadopi sur quelques voies d’assouplissements du droit d’auteur.
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