Le Parti Pirate présente 101 candidats pour les élections législatives. Premier vrai rendez-vous politique pour le mouvement, ce scrutin est d’abord une occasion unique pour se faire connaître. À deux jours du premier tour, Maxime Rouquet, coprésident du Parti Pirate, a répondu à nos questions.

Les 10 et 17 juin auront lieu les élections législatives destinées à renouveler les 577 sièges de l’Assemblée nationale. À cette occasion, le Parti Pirate descend dans l’arène politique et présente 101 candidats dans toute la France. L’occasion de faire le point avec Maxime Rouquet, le coprésident du Parti Pirate et candidat dans la dixième circonscription des Yvelines.

Numerama.com : Le Parti Pirate est-il un parti qui prône uniquement la légalisation du partage des œuvres sur Internet ?

Maxime Rouquet : Non, bien sûr ! Nous avons pris ce nom pour dénoncer ceux qui traitent de  » pirates  » et veulent mettre en prison de simples citoyens qui partagent de la culture, mais dès le départ le mouvement des Partis Pirates s’est constitué autour de grandes idées qui dépassent la sphère Internet. Nous défendons les libertés et droits fondamentaux, la transparence des institutions, le libre accès au savoir et à la culture, ou encore nous luttons contre les situations de monopoles.

Nous avons surtout un fonctionnement très démocratique : les responsables du Parti Pirate sont élus et peuvent être révoqués en cours de mandat directement par les adhérents. Ce sont ces derniers qui votent le programme en assemblée générale, sur les propositions issues de débats ouverts à tous, sur le forum par exemple.

Cela nous permet d’aborder tous types de sujets, et de prendre position sur des thématiques très diverses, allant de l’indépendance énergétique (les pirates souhaitent la décentralisation de la production et l’utilisation d’énergies renouvelables), à la protection du vivant (les pirates sont hostiles à l’appropriation de la biodiversité par des groupes privés).

Nous avons de plus en plus de membres qui s’intéressent à des questions sociétales ou économiques, et qui débattent de propositions révolutionnaires, comme le revenu de vie qui remplacerait le système actuel d’aides de l’État. Si nous attendrons d’avoir une proposition concrète à mettre sur la table, nous sommes déjà en avance sur les autres formations politiques sur beaucoup de ces sujets.

Si vous étiez à l’Assemblée nationale, quelles seraient les premières propositions de loi que vous déposeriez ?

Nous avons sélectionné 5 grands thèmes de campagne pour ces élections législatives, mettant volontairement au second plan des sujets que nous défendrons plus efficacement au niveau local (accès aux réseaux) ou international (brevets). Ces cinq thèmes sont :

Nous nous efforcerons de défendre toutes ces propositions si nous avons un(e) élu(e), mais il est probable que les premières que nous arriverons à faire accepter soient les plus simples. La protection effective des sources des journalistes et la défense des lanceurs d’alerte par exemple seront peut-être plus rapides à faire accepter que notre ensemble de propositions de remise à plat du système du droit d’auteur ou d’indépendance de la justice.

Vous présentez 101 candidats. Quel est votre objectif pour cette première vraie campagne électorale à laquelle le Parti Pirate participe ?

Notre principal objectif est de faire connaître le Parti Pirate, et de mettre en avant ses propositions. Sur ce point, la campagne est plutôt une réussite !

Bien sûr, nous avions en tête quelques seuils symboliques : à partir de 75 candidats, nous avions droit à la diffusion de clips de campagne aux premier et second tour, et si 50 de nos candidats dépassent 1% des voix nous aurons droit au financement public des partis politiques. (il y a aussi l’un des cofondateurs du Parti Pirate qui a parié il y a plusieurs mois que si nous avions ne serait-ce que 10 candidats, il danserait la carmagnole sur le Trocadéro : il est en train de se renseigner pour apprendre cette danse…)

Tout cela est devenu possible grâce au formidable travail fourni par l’équipe en charge des élections, et aux membres de la communauté qui ont répondu à nos appels et ont accepté de mouiller le t-shirt et de se porter candidats.

Beaucoup de vos candidats ont choisi de réaliser une « campagne à zéro euro ». Pourquoi ce choix, comment le mettez-vous en œuvre et est-il réaliste compte tenu de l’objectif ?

Ce choix s’est imposé de lui-même : le Parti Pirate n’avait absolument pas les moyens de soutenir les campagnes de ses candidats, mais nos quelques précédentes expériences nous avaient montré que même avec un budget très modeste, un candidat du Parti Pirate pouvait prétendre à un score significatif.

Grâce à Internet, la campagne à zéro euros devenait envisageable ; et nous avons aussi préparé une grille de forfaits pour indiquer aux candidats tout ce qu’ils pouvaient faire en fonction de leurs moyens (financiers comme humains). L’expérience a montré que l’idée était bonne.

Plusieurs d’entre nous expliquent que le financement public des partis politiques est basé sur les résultats des élections, par souci de transparence. Peut-être que les citoyens voteraient différemment s’ils savaient que leur voix au premier tour pourra rapporter un total d’environ 8 euros au parti politique du candidat sur les 5 années suivantes !

Quoi qu’il en soit, nous avons pris l’engagement, si nous avons droit au financement public, d’en mettre l’intégralité de côté pour financer les prochaines campagnes.

Vous avez contesté l’utilisation du vote par Internet dans les circonscriptions de l’étranger, en estimant qu’il n’y avait pas assez de transparence. Allez-vous saisir le Conseil d’État pour demander l’annulation du scrutin dans les bureaux concernés ?

Le Parti Pirate est bien sûr favorable à toute action contre le vote électronique à scrutin secret. Nous avons annoncé dans notre programme que les dispositifs de vote électronique sont vulnérables à la fraude, et soutiendrons bien sûr nos candidats dans ce type de démarche. Le choix de contester ou non l’élection leur appartient, mais ils sont tous d’accords pour reconnaitre que ce mode de scrutin présente des problèmes graves même si l’on peut évidemment regretter le côté pratique que présenterait le vote électronique si l’on pouvait écarter ces risques.

Pour le moment, nos moyens ne nous permettent pas l’embauche de juristes professionnels sur ce type de questions, d’autant plus que même en cas de victoire les frais ne seraient pas remboursés. Nous faisons donc appel aux juristes de notre communauté pour aider à titre gracieux les candidats des français de l’étranger à rédiger leur recours (l’intervention d’un avocat n’est pas obligatoire dans cette procédure, mais vivement recommandée).

L’important est que, quoi qu’il en soit, nous ferons tout ce qui sera en notre pouvoir pour faire interdire le vote électronique à scrutin secret. Tout du moins, tant qu’un dispositif écartant les risques de fraude ne sera pas mis en place ; mais pour le moment personne n’est parvenu à en trouver un…

Que manque-t-il en France pour que le Parti Pirate arrive au même niveau que son homologue allemand, qui pointe au dessus de 10 % d’intentions de vote au niveau national ?

Un à deux ans ? ;)

Quels enseignements tirez-vous de ces premiers mois de campagne ?

Nous sommes en train d’acquérir une influence de plus en plus forte. Même si nous n’avions pas encore de moyens financiers, le fait qu’un parti politique impose par exemple à tous ses candidats d’adhérer à l’association Anticor, et de manière générale à prendre personnellement des engagements très forts s’ils sont élus, a déjà incité d’autres formations à suivre le mouvement.

Personnellement, je m’amuse beaucoup des sueurs froides que doivent avoir mes homologues d’autres partis bien installés, qui vont devoir répondre aux critiques de leurs propres militants. Le programme du Parti Pirate est voté directement par les adhérents en assemblée générale, les responsables sont élus au scrutin direct et révocables à tout moment, les comptes sont transparents : pourquoi pourrions-nous le faire et pas eux ?

L’essor du Parti Pirate, c’est aussi un changement en profondeur de l’ensemble du système politique français qui s’annonce, même si on n’en reconnaîtra vraiment les conséquences que d’ici quelques années.

Plus généralement, quel bilan politique tirez-vous de votre action depuis 2009, date à laquelle le Parti Pirate s’est officiellement formé ?

Depuis le départ, le Parti Pirate défend des idées qui parlaient à une très large majorité. En 2009 le PP s’est constitué en association et nous avons eu plusieurs actions intéressantes comme le recours contre LOPPSI devant le Conseil constitutionnel ; mais ce qui a fait du PP ce qu’il est aujourd’hui, c’est avant tout un travail de fond sur son fonctionnement interne.

Il reste plusieurs chantiers où une démarche similaire interviendra d’ici la prochaine assemblée générale (je pense notamment à la structure des sections locales), mais ce travail sur les statuts et le règlement intérieur est la clé de la pérennité du Parti Pirate. Oui, nous avons mis un peu plus de temps à décoller que prévu ; mais c’était pour mieux mettre en place des fondations solides, et le jeu en valait la chandelle !

Je ne peux que remercier tous ceux qui, depuis 2006, ont travaillé à faire du PP ce qu’il est en train de devenir. C’est un travail d’équipe, et même s’il y a eu des hauts et des bas, le vent s’est levé et notre navire avance de plus en plus vite !

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