En censurant Numerama, Atos a donné une nouvelle dimension à un document qui était passé largement inaperçu lorsque nous l’avions diffusé…

Vendredi soir, Numerama révélait avoir été mis en demeure par Atos, sous peine de poursuites judiciaires, de supprimer le document confidentiel que nous avions révélé, qui expliquait comment avait été prévu l’hébergement de la plateforme de vote électronique utilisée aux élections législatives. Nous expliquions alors avoir accédé à cette demande sans combattre, ce que certains parmi nos lecteurs n’ont pas compris. Il nous faut donc expliquer plus longuement notre démarche, et pourquoi aller à l’affrontement était inutile.

Lorsque nous avons obtenu le document, notre première réaction a d’abord été, bien sûr, de chercher à l’authentifier. Puis, il nous fallait évaluer l’éventuel risque de le publier. Nous avons donc demandé à un expert en sécurité informatique de nous dire si, dans les 45 pages du document, figuraient des données telles que la publication poserait un risque grave pour la sécurité informatique d’Atos. La réponse fut négative, dès lors que le vote fut terminé. Néanmoins, le document comportait un certain nombre d’enseignements dont nous savions que leur révélation pouvait fortement déplaire à Atos. Nous savions qu’en publiant le document, nous nous exposions à un risque non négligeable de poursuites judiciaires.

Nous en avons pris le risque, non pas pour dénoncer le contenu-même du document qui pour nous était accessoire, mais pour étayer nos critiques plus fondamentales sur l’organisation du scrutin. Nous avions à de nombreuses reprises critiqué le fait que le vote électronique était pris en charge par des acteurs privés dans une totale opacité, ce qui représentait un risque pour sa sécurité et sa sincérité. Publier un document susceptible de montrer certaines défaillances était une manière de faire une piqûre de rappel.

Lorsque nous avons reçu la mise en demeure, la réussite de l’opération était pour nous totale. Par son geste, Atos confirmait la volonté que nous dénoncions de conserver opaque l’organisation du vote électronique. Atos ne pouvait pas nous rendre meilleur service. Si nous nous étions obstinés à laisser le document en ligne, la focale se serait déplacée sur le contenu-même du document, plutôt que sur le symbole de l’opacité. Or ce n’est pas le contenu du document que nous voulions faire connaître, mais le fait qu’il fut confidentiel et qu’il devait le rester.

Par ailleurs, il y a des batailles qu’il est inutile de mener lorsque le combat se joue à un autre niveau. Nous sommes sur Internet et l’histoire a appris que l’effet Streisand joue toujours dans ces situations. Lorsque nous avions publié l’article avec le document exclusif, celui-ci était passé tout à fait inaperçu. Mais certains lecteurs avaient anticipé la réaction d’Atos et avaient déjà prévenu, notamment sur Twitter, qu’ils faisaient une copie du document… « au cas où ». Nous nous doutions donc qu’en annonçant notre mise en demeure et la censure, la réaction serait, comme à chaque fois, de multiplier la diffusion du document.

Et ça n’a pas manqué. Quelques minutes après notre article, à l’appel de Paul Da Silva, le document était de nouveau en ligne, dupliqué sur un grand nombre de miroirs, et sur les réseaux P2P. Il n’est plus possible de l’effacer.

Alors que notre article était passé inaperçu, Atos a donné une dimension nouvelle au document qu’il voulait cacher.

Nous avons prouvé notre critique. Le document est toujours en ligne.

Mais cette fois, il est lu avec plus d’attention, et il est diffusé sans la mise en contexte que nous avions pris soin d’expliquer dans notre article censuré (en particulier le fait qu’il s’agissait d’une version susceptible d’avoir évolué entre sa rédaction et la mise en œuvre effective du vote électronique).

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