La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a rendu ce mardi 3 juillet un arrêt très important concernant l’épuisement du droit exclusif de distribution des titulaires de droits d’auteur, dont les ramifications restent encore à étudier. Intervenant dans une affaire qui opposait Oracle à la société UsedSoft, les magistrats européens ont jugé que les éditeurs de logiciels n’avaient pas le droit d’interdire à un client de revendre d’occasion le logiciel qu’il avait acheté, quand bien même ce logiciel serait distribué par téléchargement plutôt qu’en version boîte.
« Lorsque le titulaire du droit d’auteur met à la disposition de son client une copie – qu’elle soit matérielle ou immatérielle – et conclut en même temps, contre paiement d’un prix, un contrat de licence accordant au client le droit d’utiliser cette copie pour une durée illimitée, ce titulaire vend cette copie au client et épuise ainsi son droit exclusif de distribution« , résument (.pdf) les services de la CJUE. « En effet, une telle transaction implique le transfert du droit de propriété de cette copie. Dès lors, même si le contrat de licence interdit une cession ultérieure, le titulaire du droit ne peut plus s’opposer à la revente de cette copie ». Et il ne peut pas non plus retirer au second acheteur le bénéfice des mises à jour.
La Cour va même plus loin, en s’opposant sur le fond aux éditeurs qui cherchent à contrôler le marché d’occasion pour « exiger, à l’occasion de chaque revente, une nouvelle rémunération alors que la première vente de la copie concernée aurait déjà permis audit titulaire d’obtenir une rémunération appropriée« . C’est une façon très courtoise de dire qu’en matière de droits d’auteur, il ne faut pas demander le beurre, l’argent du beurre et ce que vous savez de la crémière.
L’acquéreur a le droit de télécharger une copie
Enfin, l’arrêt précise que le vendeur d’un logiciel d’occasion doit nécessairement « rendre inutilisable la copie téléchargée sur son propre ordinateur« , au risque sinon de violer le droit exclusif de reproduction. Cependant, la Cour précise que l’acquéreur peut télécharger la copie du logiciel qu’il a acheté d’occasion. « De telles reproductions ne peuvent pas être interdites par contrat« , indiquent les juges, qui estiment qu’il s’agit d’une « reproduction nécessaire » pour permettre à l’acquéreur d’utiliser le logiciel.
Reste à voir en pratique l’impact d’un tel arrêt, en particulier sur des plateformes comme iTunes ou Steam. Il faudra voir dans quelle mesure l’interdiction juridique d’interdire la revente d’un contenu téléchargé se traduit en obligation de rendre la transaction matériellement possible, en particulier au regard des DRM qui lient le contenu à un compte utilisateur. La question s’est posée récemment, non pas en cas de vente, mais en cas de transmission de contenus immatériels aux héritiers d’un défunt. Amazon refuse de les transférer, au motif que « le contenu Kindle ne peut être revendu, ni donné, ni transféré entre comptes« . Une clause qu’il faudra désormais considérer abusive.
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