Le site web parodique Agence France Presque, qui s'amuse à détourner l'actualité pour divertir ses lecteurs, est-il de nature à engendrer une confusion dans l'esprit du public avec l'agence de presse internationale généraliste AFP ? À lire la mise en demeure (.pdf) envoyée aux auteurs de l'Agence France Presque, c'est visiblement le cas. Le site occasionnerait une "concurrence déloyale" et du "parasitisme".
Les conseils en propriété industrielle Lambert & Associés exigent plusieurs choses de l'Agence France Presque. Tout d'abord, l'usage des dénominations AFP et Agence France presse doit cesser immédiatement et disparaître du site web et des réseaux sociaux sur lesquels le site web parodique officie (essentiellement Twitter et Facebook).
Ensuite, le nom de domaine afpresque.com doit être supprimé tout comme la "couleur bleue caractéristique" de l'AFP, qui est reprise dans le logo du site humoristique. Le courrier réclame également diverses statistiques (fréquentation du site, nombre d'abonnés Twitter, nombre de fans Facebook) afin "de chiffrer le montant du préjudice" qu'aurait causé l'Agence France Presque.
Pour fonder leur demande, les conseils en propriété industrielle ne s'appuient pas sur l'article L122-5 du Code de la propriété intellectuelle (qui liste les exceptions au droit d'auteur, dont la parodie, le pastiche et la caricature) mais sur l'article L713-3 du Code de la propriété industrielle. Autrement dit, l'angle d'attaque est la contrefaçon de marque commerciale et non pas le droit d'auteur.
L'article expose que : "sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public :
- a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement.
- b) L'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement".
Toute la question est donc de savoir s'il peut y avoir confusion entre l'AFP et l'Agence France presque. Il n'existe pas à proprement parler d'exception de parodie reconnue par la loi en matière de marques, contrairement au droit d'auteur. En revanche, il y a une reconnaissance jurisprudentielle basée sur la notion du "risque de confusion", présent dans la loi.
Il existe une affaire de référence qui illustre ce cas de figure : il s'agit du site "JeBoycotteDanone.com". La cour d'appel de Paris a jugé en 2003 que "le principe de valeur constitutionnelle de la liberté d'expression" l'emportait sur la protection de la marque Danone. Et ici, il n'y avait pas de confusion possible ni de volonté d'exploitation commerciale de la marque.
Mais pour que cette parodie soit admissible, il faut respecter trois critères : ne pas se situer sur le terrain commercial, ne présenter aucun risque de confusion avec la marque parodiée et ne pas dénigrer la marque parodiée.
Sur le plan judiciaire, il y a des chances que la parodie soit retenue par les juges mais il n'y a évidemment aucune certitude. Le principal grief qui peut fonctionner pour l'AFP est le deuxième critère, dans la mesure où, sur Twitter, le logo détourné de l'AFPresque est très proche de celui de l'AFP. Même s'il est différent, la taille réduite peut entraîner une certaine confusion (d'ailleurs l'AFPresque l'a remplacé).
Les deux autres critères ne paraissent pas offrir de prises suffisamment solides pour attaquer l'AFPresque. A priori, leur activité ne vise pas à dénigrer l'AFP mais à animer une fausse agence de presse parodique. Et, jusqu'à preuve du contraire, cette activité n'est pas source de revenus.
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