Les mauvaises idées inspirent toujours ceux qu'elles arrangent. En Allemagne, la presse a réussi à obtenir du gouvernement d'Angela Merkel qu'il dépose au Parlement un projet de loi visant à instaurer un droit à rémunération des journaux lorsque leurs titres sont affichés sur les services d'indexation comme Google News. En clair, il s'agit d'instituer une taxe sur les liens hypertextes lorsqu'ils sont affichés dans un certain contexte, au bénéfice des groupes de presse qui sont pourtant les premiers à bénéficier de l'afflux de visiteurs offerts par les services d'agrégation de contenus.
Comme nous l'avions alors rappelé, la presse française avait déjà initié une idée similaire dès 2009, à travers le Groupement des Editeurs en Ligne (GESTE). A l'époque, il s'agissait d'obtenir de Google qu'il partage avec les journaux indexés une partie des revenus publicitaires générés par le service. "Nous ne sommes pas opposés à ce que le moteur de recherche intègre de la publicité sur Google News. Mais à condition qu'il y ait une répartition du chiffre d'affaires généré avec les journaux. Car ce service n'existerait pas si nos articles n'y étaient pas présents", avait alors expliqué aux Echos Philippe Jannet, le président du GESTE.
Sans surprise, l'exemple allemand a ravivé les appétits. Le Monde rapporte ainsi que le Syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN), dont il est membre, "est vivement intéressé par l'adoption en cours, en Allemagne, d'une loi visant à faire payer des droits d'auteurs aux agrégateurs d'information sur Internet". Le syndicat aurait déjà soumis deux textes aux cabinets d'Aurélie Filippetti et de Fleur Pellerin, respectivement ministres de la culture et de la communication, et ministre déléguée en charge (entre autres) du numérique.
"L'un prévoit la création d'un "droit voisin" sur les portails agrégateurs d'information afin de défendre la propriété intellectuelle sur les contenus de presse", précise Le Monde.
Quels contours ?
Le glissement est particulièrement redoutable. A l'instar des producteurs de disques ou des artistes-interprètes qui ont obtenu un droit parallèle au droit d'auteur, les journaux veulent bénéficier d'un droit qui ne soit pas tout à fait du droit d'auteur, mais qui aurait les mêmes effets. Puisque les titres des journaux – ou même les quelques mots d'extraits cités – ne sont pas en eux-mêmes protégés par le droit d'auteur, la loi proposée viserait à créer un droit accessoire, supplémentaire, dont les contours et les effets néfastes seront certainement très difficiles à cerner.
Une chose est sûre : l'effet immédiat d'une telle loi sera de freiner toute innovation. Twitter se serait-il lancé, par exemple, s'il risquait de payer une taxe pour les innombrables liens publiés par les internautes sur son service ?
Par ailleurs, sur quelle base tracer la frontière entre ceux qui doivent payer et ceux qui ne le doivent pas, ou ceux qui doivent être rémunérés et ceux qui ne le doivent pas ? Un blogueur dont le billet est référencé n'a-t-il pas droit à rémunération ? Un internaute dont le commentaire enrichit un article de presse n'a-t-il pas droit d'être payé ? Une plateforme dont les liens sont postés et triés par les utilisateurs a-t-elle moins besoin de payer qu'une plateforme dont les liens sont générés et triés automatiquement par des algorithmes ?
Même en admettant que l'idée de faire payer l'indexation des journaux serait une bonne idée (elle est très mauvaise), elle va forcément se heurter à d'innombrables obstacles pratiques et juridiques. Sauf à aboutir à un système parfaitement injuste et arbitraire, qui ne bénéficierait qu'aux seuls sites de presse bénéficiant déjà des aides de l'Etat, à la transparence plus que contestable, et contestée.
Le SPQN rassemble La Croix, Les Echos, L'Equipe, Le Figaro, France Soir, l'Humanité, l'International Herald Tribune, le Journal du Dimanche, Libération, Le Monde, Paris Turf et La Tribune. Il représente aussi l'AFP, différents organismes professionnels, et quelques publications de moindre renommée.
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