Deux ans et demi après l'ouverture des travaux, l'Hadopi n'a toujours pas livré la liste des fonctionnalités pertinentes que sont censés avoir les moyens de sécurisation jugés efficaces contre le piratage. Ce qui n'a pas empêché un tribunal de condamner pour défaut de sécurisation un abonné à internet en instance de divorce, dont la femme a expliqué qu'elle était à l'origine des téléchargements illicites.

Divorcez, avant qu'il ne soit trop tard ! Mettez vos enfants au congélateur ou, s'ils sont trop grands pour y entrer, envoyez-les à la ferme chez leur grand-père. Surtout, n'ayez pas l'idée stupide de pouvoir rentre service à un nouveau voisin qui vient de déménager, et qui vous demande s'il pourrait vous emprunter les codes Wifi de votre accès à internet pour quelques jours. Malheureux !

C'est désormais une réalité, le fait d'être titulaire d'un accès à internet expose à une amende, même lorsque l'on ne télécharge pas soi-même, et que l'on est bien incapable de sécuriser son accès à internet. Qu'importe, il suffit d'avoir signé un jour un bout de papier, qui met l'abonnement à son nom. Et le piège se referme.

Un homme d'une quarantaine d'années l'a expérimenté à ses dépens, ce mercredi. Il a été condamné pour n'avoir pas divorcé assez tôt. Sa femme, dont il s'est séparé, a bien expliqué au tribunal que c'était elle, la coupable. Que c'était elle qui avait téléchargé des morceaux de Rihanna. Que son artisan de futur ex-mari ne téléchargeait rien. Mais ce faisant, elle a livré au tribunal la pièce maîtresse de l'accusation : l'aveu que l'accès à internet n'avait pas été sécurisé par le mari, légalement responsable. S'il avait divorcé plus tôt, peut-être n'aurait-il pas été jusqu'au troisième avertissement, qui l'a envoyé droit vers le tribunal.

Mais comment saurait-il, lui qui ne sait même pas télécharger, comment sécuriser son accès à internet ?

Le législateur avait prévu, c'est en tout cas ce qu'il croyait voter, que l'Hadopi fournisse aux abonnés une liste de moyens de sécurisation labellisés, jugés efficaces pour éviter que Madame ne fasse l'irréparable avec l'accès de Monsieur, ou réciproquement. Mais elle ne l'a jamais fait, préférant passer en force devant l'obstacle insurmontable, quitte à tordre le texte de la loi pour arriver à ses fins.

Cela fait maintenant deux ans et demi que l'Hadopi a commencé les travaux sur la labellisation des moyens de sécurisation, lorsqu'elle a confié le dossier au professeur Michel Riguidel. Depuis le premier brouillon que nous avions révélé en juillet 2010, l'Hadopi a publié une seconde version du projet Riguidel en avril 2011, avant que le chercheur ne décide de (ou ne soit invité à) terminer là sa mission. La patate chaude a alors été transmise au Lab Réseaux & Techniques de l'Hadopi, sous la direction d'un Jean-Michel Planche qui a fini par jeter l'éponge, refusant de renouveler le contrat arrivé à son terme. Depuis, l'on entend plus parler de l'avancée des travaux. Officiellement, ils continuent. Officieusement, cela fait deux ans et demi que l'Hadopi sait qu'elle n'arrivera jamais à établir une liste de spécifications pour les moyens de sécurisation qu'elle est censée labelliser.

Ce qui n'est pas grave, pense-t-elle, parce que ceux qui ne savent pas sécuriser leur accès à internet sont, pense-t-elle, de mauvaise foi.

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