Ils sont devenus fous. Depuis plusieurs semaines, la presse quotidienne nationale a mis en branle un lobbying intensif auprès du Gouvernement de Jean-Marc Ayrault, pour obtenir que Google et l'ensemble des services d'indexation de pages web paye une taxe sur les liens hypertextes, à l'instar de ce que prévoit le gouvernement allemand. L'idée vise à apporter une nouvelle source de financement aux seuls sites de presse qui se plaignent d'être référencés par Google, mais qui ne survivraient pas s'ils ne l'étaient pas.
Pire, le projet viserait à taxer les clics, permettant aux organismes de presse d'être payés deux fois : par la publicité vue par le lecteur, et par le moteur de recherche qui les a conduit vers cette publicité.
Le site Télérama a publié vendredi soir le projet de loi pré-mâché qu'a envoyé au Gouvernement l'association IPG, créée par les quotidiens en mai 2012 au moment de l'élection de Français Hollande, pour incarner leur lobbying.
Il ressort du texte révélé que les journaux veulent :
- Créer un nouveau droit exclusif (un "droit voisin") d'une durée de cinq ans, en sus de leurs droits d'auteur habituels, qui obligerait à recueillir l'autorisation des organismes de presse pour "toute reproduction, mise à la disposition du public par la vente, l'échange ou communication au public, y compris en ligne, de tout ou partie des contenus de presse édités sous leur responsabilité". Alors que le droit d'auteur est assorti d'une exception qui interdit d'interdire la reproduction d'informations, ce nouveau droit viendrait donner aux éditeurs la presse la possibilité d'interdire la reproduction de "tout ou partie" d'un contenu. Une disposition extrêmement large qui viserait par exemple les extraits d'interviews, les informations brutes contenues dans un article, ou des illustrations. Toute reproduction d'un paragraphe d'article, en vue par exemple de le critiquer ou d'apporter un éclairage, serait interdite.
- Créer une taxe sur les liens hypertextes, dite "rémunération équitable". Il serait interdit d'interdire les liens hypertextes "permettant d'accéder à tout ou partie de leurs contenus de presse lorsque ces derniers sont librement accessibles", mais il faudra alors payer la rémunération prévue.
- Cette taxe serait due par toute "personne française ou étrangère exerçant à titre principal une activité de prestataire d'un service de référencement sur internet ou d'exploitation d'un moteur de recherche dans le cadre d'un service gratuit ou payant visant manifestement le public de France, y compris lorsqu'elle ne joue pas un rôle actif de nature à lui confier une connaissance ou un contrôle des liens hypertextes". Il est précisé que les sites portails ou bloc-notes (blogs) ne seraient pas concernés. En revanche, il n'est rien dit des plateformes de diffusion de liens comme Twitter, Pinterest ou autres Tumblr, ce qui suppose qu'ils pourraient aussi être concernés.
- Punir de 3 ans de prison et 300 000 euros d'amende le fait de reproduire ou mettre à disposition "tout ou partie" d'un contenu de presse, lorsque l'organisme de presse n'a pas donné son autorisation. Une peine calquée sur celles prévues en cas de contrefaçon de droits d'auteur. La même peine est également prévue pour ceux qui ne paieraient pas la taxe sur les liens hypertextes lorsqu'ils la doivent.
- La création d'une société de gestion collective, chargée de répartir le montant de la taxe entre les différents journaux bénéficiaires.
- La création d'une commission chargée de déterminer le montant et les modalités de calcul de la taxe, sur le modèle de la commission copie privée, qui a pourtant fait preuve d'importants dysfonctionnements.
Et le pire, c'est qu'étant donné le lobbying exercé, l'on arrive pas à se dire que ce projet finira dans une poubelle. Alors que c'est bien la seule place qu'il mérite, n'en déplaise à Claude Soula.
D'ailleurs, citant les impressions "en off" du ministère de la Culture, Télérama rapporte qu'il se dit que "en l’état, ça ne va pas être possible". Manière de dire qu'il y a un possibilité de négociation pour arrondir les angles.
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