La ministre de la culture et de la communication n'a visiblement pas beaucoup apprécié la manière dont Google a tracé la ligne rouge à ne pas franchir. Dans un communiqué, Aurélie Filippetti a signifié son étonnement de voir le groupe américain exercer une telle pression sur la France. "Ce n'est pas avec des menaces qu'on traite avec un gouvernement démocratiquement élu", prévient-elle.
Aurélie Filippetti pour une contribution de Google
Dans une note adressée aux associations d’éditeurs de presse, reproduite sur l'un de ses blogs, Google que "l'instauration d'un droit voisin pour le référencement de site de presse français [met] en cause son existence même". En conséquence, l'entreprise californienne serait "contrainte de ne plus référencer les sites français", pour éviter de payer une taxe sur les liens hypertextes, comme le prévoit le brouillon de la "Lex Google".
"Aujourd'hui, des sites qui agrègent des contenus comme Google utilisent aussi la notoriété des éditeurs de presse, ainsi que ce qu'ils produisent. Il est donc légitime que les éditeurs de presse s'interrogent sur la manière dont il faut faire participer ceux qui diffusent leur contenu à leur financement", souligne la ministre, qui a déjà manifesté son intérêt pour ce projet, jugeant " normal" que Google soutienne ce secteur.
"Il y a une vraie interrogation sur le financement de la presse. Les principaux sites tapés sur les moteurs de recherche sont les journaux. Il serait normal que ces moteurs de recherche contribuent à financer la vraie valeur ajoutée produite par les journaux. Le travail éditorial est fait par la presse, pas par ces plateformes qui pourtant en tirent un profit commercial évident", expliquait-t-elle à l'époque.
Google fait chanter la presse, selon Laurent Joffrin
Jamais le dernier à prendre la parole lorsqu'il est question de légiférer sur Internet, le directeur de la publication du Nouvel Observateur s'est fendu d'un édito pour dénoncer le chantage exercé sur la presse en brandissant l'arme du déréférencement, "c’est-à-dire de censurer l’ensemble de la presse française en ligne". Pour Laurent Joffrin, Google démontre qu'il "se soucie comme d’une guigne du droit à l’information".
"Assise sur sa puissance et sur ses certitudes, Google se lance dans un chantage pur et simple sur le gouvernement élu et sur la représentation nationale si celle-ci persiste dans son intention de porter un tant soit peu atteinte à ses intérêts financiers", déplore le journaliste, qui soutient de longue date le principe de faire payer Google vu sa part de marché gigantesque et ses gains publicitaires immenses.
"Il appartient maintenant au gouvernement et aux élus français de dire si la confection des lois reste l’apanage de la République ou bien si elle est abandonnée au pouvoir de fait d’une féodalité multinationale", conclut Laurent Joffrin, estimant "raisonnable" la contribution demandée au géant américain. Mais une question demeure derrière les réactions indignées de l'exécutif et du secteur.
Google doit référencer ET payer ?
Comment peut-on à la fois obliger Google, entreprise privée et étrangère, à maintenir le référencement des médias français – au nom du droit à l'information, et de la mission d'intérêt général" que souhaite remplir Google, selon Laurent Joffrin – et en même temps lui demander de payer une taxe sur les liens hypertextes justement parce qu'il indexe l'ensemble du contenu disponible sur le web ?
Rappelons que Google a supprimé plusieurs médias belges de son index en 2011, suite à une décision de justice rendue quelques mois plus tôt. Un bannissement qui a duré deux jours, avant la conclusion d'un accord entre les différentes parties, permettant à la presse belge concernée d'être de nouveau indexée dans le premier moteur de recherche du monde.
Vu le précédent survenu en Belgique, on voit mal comment le gouvernement pourrait empêcher Google d'éjecter la presse française de son moteur de recherche. Si la loi Lex Google est votée, l'entreprise n'aurait aucune difficulté à configurer son algorithme pour exclure les médias concernés par ce texte. Et il n'est pas certain que Google soit celui qui souffrira le plus de ce divorce.
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