Comme chaque année depuis 4 ans, le prix des cigarettes a augmenté le 1er octobre dernier, de 6 %, portant le prix des paquets entre 6,10 et 6,60 euros. A cette occasion, la Confédération des buralistes avait appelé à une mobilisation des vendeurs de cigarettes, en expliquant que "les moyens pris ne font que renforcer le marché parallèle". "Beaucoup de nos anciens clients nous disent qu'ils achètent désormais à l'étranger. Si on est un vrai fumeur, on peut toujours se débrouiller pour se procurer du tabac", assurait Pascal Montredon, le président de la confédération.
Cette dernière demande depuis maintenant trois ans que les FAI bloquent les sites de vente de cigarettes, et chaque augmentation du prix des paquets est une occasion de raviver la proposition. L'an dernier, un rapport remis par des députés UMP et PS préconisait de "donner à la justice les moyens de désactiver un site suspect le temps d'une enquête et de saisir les noms de domaines des sites convaincus de pratiques illégales". Une proposition restée lettre morte, pour le moment.
Mais Jacques Cresta, un député socialiste, a posé mardi au gouvernement une série de trois questions au sujet de l'augmentation du prix du tabac et de l'achat de cigarettes à l'étranger. S'il a interrogé le ministère de l'intérieur sur le trafic opéré dans des quartiers de son département des Pyrénées-Orientales, facilité par la proximité de la frontière espagnole, le député a aussi alerté le ministère de la Santé et le ministère des affaires étrangères sur la vente des cigarettes par internet.
"Force est de constater que l'augmentation du prix des cigarettes a un effet pervers, celui de développer la vente des cigarettes par internet et au marché noir", affirme l'élu. "Ces ventes, à des tarifs largement inférieurs à ceux pratiqués par les buralistes, attirent un large public, notamment les plus jeunes qui courent un risque accru pour leur santé du fait de la nocivité des cigarettes de contrebande, et sont une perte de ressources importante pour l'État".
En France, 80 % du prix des paquets de cigarettes est prélevé par l'Etat, via les taxes sur le tabac et la TVA. Sur une cartouche de Malboro vendue 66 euros en France, l'Etat perçoit donc environ 53 euros de taxes. Mais la même cartouche de cigarettes Malboro, vendue 33 euros sur un site basé en Pologne, ne génère aucune ressource pour l'état français.
Les ventes par Internet augmentent moins que ne baisse la consommation de tabac en France
Lorsque l'on consulte Google Trends, on constate effectivement une hausse régulière des recherches de "cartouche de cigarette" (si l'on en juge par Google Suggest, le singulier est la recherche la plus courante), qui semblent s'accroître depuis 2010 :
De même pour "cigarette espagne", qui laisse peu de doutes sur les intentions des internautes :
La recherche "acheter cigarette", plus explicite encore, explose quant à elle depuis avril 2012 :
Cependant, il ne s'agit là que de tendances de recherches (relatives à une base 100), et non de valeurs absolues. Malheureusement, Google ne donne plus accès à ses estimations de trafic généré par les sites internet, laissant Alexa comme seule source. Or nous avons essayé de voir l'évolution du trafic des principaux sites de ventes de cigarettes par internet, et leur audience semble tellement faible qu'aucun n'apparaît sur les graphiques Alexa :
Aussi même s'il semble bien exister une croissance de l'intérêt pour les ventes de cigarettes par internet, le phénomène semble encore très marginal.
"Suite aux augmentations de taxes de 2003 et 2004, les études ont montré qu'il y avait plus de gens qui arrêtaient, diminuaient ou ne commençaient pas à fumer que de gens substituant du tabac français pour du tabac transfrontalier ou de contrebande", expliquait récemment Christian Ben Lakhdar, universitaire spécialisé dans l'économie des drogues et des addictions, dans une tribune sur Atlantico. "Augmenter fortement les taxes augmente moins fortement la consommation de tabac étranger que cela ne baisse la consommation de tabac français".
La raison, ajoutait-il en substance, est principalement que pour vouloir acheter des cigarettes sur Internet, il faut déjà s'être rendu plus ou moins dépendant du produit. Or, plus les cigarettes coûtent cher en France, moins les jeunes sont tentés d'y dépenser leur argent pour essayer. Rares sont ceux qui commencent avec un voyage en Espagne ou une commande par écrans interposés.
Et c'est sans doute cela qui gêne profondément la Confédération des buralistes, beaucoup plus que la vente par Internet qui reste une concurrence très anecdotique aux quelques 54 milliards de cigarettes vendues chaque année en France (source : Observatoire français des drogues et toxicomanies).
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