Nommé en mai pour diriger une mission de concertation sur l'acte II de l'exception culturelle, Pierre Lescure a tenu ce jeudi un point presse pour dresser un premier bilan de l'avancée de son travail. En compagnie de la ministre de la culture Aurélie Filippetti, l'ancien directeur de Canal+ a esquissé les mesures législatives envisagées pour, notamment, renforcer l'efficacité de la lutte contre le piratage.
Si la conférence a permis à Pierre Lescure de faire un état des lieux justifiant de suivre certaines pistes (faire pression sur les intermédiaires techniques, déréférencer l'offre illégale et assécher les sources de revenus des sites accusés de promouvoir la contrefaçon), l'homme de télévision a aussi mis en avant sa méthode, qu'il a décrit comme participative, interactive et ouverte à tous.
Pierre Lescure a rappelé que 60 organismes, entreprises ou personnalités ont été auditionnés depuis la mise en route de la mission, signe selon lui du désir de ne pas avoir de parti pris dans ces échanges et, surtout, d'entendre toutes les opinions, mêmes celles suggérant des modifications profondes au mécanisme actuel du droit d'auteur ou étant très éloignées des intérêts de l'industrie du divertissement.
Ainsi donc, les premières pistes règlementaires sont connues, tout comme les lignes rouges à ne pas franchir : la mission ne proposera pas de légaliser les échanges entre particuliers, même à titre non marchand. Ce choix était connu de longue date, Pierre Lescure ayant indiqué bien avant le début des auditions qu'il ne comptait pas explorer cette voie, entraînant le boycott de représentants du public.
Vantée par son principal artisan, la mission Lescure connaît donc certaines limites. Elle a également certains travers. Car bien qu'il n'est question que d'un bilan d'étape, la teneur de la conférence montre que des pistes ont déjà été fixées et certains choix ont été arrêtés. Or, la mission Lescure doit pourtant auditionner encore 27 intervenants d'ici la fin de l'année. Et peut-être d'autres en 2013.
C'est une bien curieuse façon de procéder que de fixer certaines orientations et de prendre quelques arbitrages alors que de nombreuses auditions doivent avoir lieu d'ici le 21 décembre, dont l'une le jour même de la présentation du bilan d'étape de la mission Lescure. Ainsi :
- Le Parti pirate français (6 décembre)
- l'ADAGP – société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques (7 décembre)
- Bouygues Télécom (10 décembre)
- SRF – société de réalisateurs de films (10 décembre)
- Creative Commons France (11 décembre)
- KissKissBankBank (11 décembre)
- SDLC – syndiat des distributeurs de loisirs culturels (11 décembre)
- Patrick Bloche (14 décembre)
- CD1D – fédération des labels indépendants (14 décembre)
- SGDL – société des gens de lettres (14 décembre)
- SMA – syndicat des musiques actuelles (14 décembre)
- Canal+ (17 décembre)
- CPA – confédération des producteurs audiovisuels (17 décembre)
- Microsoft France (17 décembre)
- USPA – union syndicale de la production audiovisuelle (17 décembre
- Cap Digital (18 décembre)
- SELL – syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (18 décembre)
- SFR (18 décembre)
- CSDEM – chambre syndicale de l'édition musicale (19 décembre)
- SCPP – société civile des producteurs phonographiques (19 décembre)
- France Télévisions (20 décembre)
- Bernard Stiglier (20 décembre)
- TF1 (20 décembre)
- Marie-Christine Blandin (21 décembre)
- UNEVI – union de l'édition numérique et vidéographique indépendante (21 décembre)
- Michel Vivant (21 décembre)
- Pierre Sirinelli (21 décembre)
Comment espérer que la mission Lescure puisse réussir, si celle-ci commence à fixer dans le marbre plusieurs décisions d'importance sans avoir pu entendre les positions de toutes les entités ou personnalités invitées à s'exprimer sur les tenants et les aboutissants de l'acte II de l'exception culturelle, faire valoir leur point de vue et défendre leurs intérêts ?
Comme cela a été précisé, il ne s'agit bien sûr que d'un bilan d'étape. D'autres suivront jusqu'aux conclusions définitives de la mission conduite par Pierre Lescure. D'ici là, toutes les organisations, personnalités et sociétés concernées auront pu être entendues par la mission.
Cependant, la présentation des grands axes que la mission entend suivre alors même que son travail n'est pas encore achevé jette inévitablement un voile sur la qualité de ses travaux, et cela alors même que le rôle et la légitimité de la mission sont contestés.
(illustration : Siren-Com, CC-BY-SA)
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