Admiré pour sa réussite, Google est aussi craint pour son omniprésence. De la petite start-up fondée en 1998, la firme de Mountain View est devenue en quelques années une entreprise multinationale, véritable géant du net dont l'influence dans le monde informatique et sur le réseau des réseaux ne connaît plus guère de limites. Qu'il est loin le temps où un simple slogan, don't be evil, suffisait à calmer les esprits.
Aujourd'hui, l'entreprise est la cible d'innombrables critiques sur un vaste panel de sujets. De la protection de la vie privée au droit d'auteur, en passant par l'évasion fiscale, la neutralité du net, la censure et les abus de position dominante, Google est au cœur de nombreuses polémiques. Dans de nombreux pays du monde, dont la France, les activités du groupe sont donc de plus en plus observées avec attention.
Pour résister à ces regards indiscrets, Google n'a pas lésiné sur les moyens. Entre les opérations pour séduire les pouvoirs publics, le recrutement de lobbyistes de talent et la participation de l'entreprise au moindre évènement consacré au numérique, l'entreprise américaine veut se montrer disponible, à l'écoute et compréhensive des craintes soulevées par tel ou tel interlocuteur.
Ce travail d'influence, c'est justement l'objet de l'enquête de Cécile Ducourtieux, journaliste au Monde. Dans un article fouillé, elle revient sur les efforts de la firme américaine pour naviguer entre les sollicitations incessantes des sociétés de gestion collective, de la CNIL, des éditeurs de presse, du gouvernement, de la Commission européenne… un travail qui nécessite des personnalités influentes et écoutées.
Des lobbyistes influents
Au fil des ans, le groupe a donc recruté : Jean-Marc Tassetto, directeur général de Google France, ancien directeur général de la division grand public et marketing de SFR et conseiller spécial du président du conseil d'administration de Vivendi ; Olivier Esper, en charge des politiques publiques, ancien de Télécom ParisTech et de l'Autorité de régulation des télécommunications (ART).
Benoît Tabaka, ancien secrétaire général du Conseil national du numérique, passé par PriceMinister et Rakuten comme responsable des affaires juridiques et réglementaires, mais aussi par le Forum des droits sur Internet pour la partie concernant le commerce électronique ; Francis Donnat, ancien membre du Conseil d'Etat et de la Cour de justice de l'Union européenne.
Avec ces acteurs de ce calibre, Google a pratiquement ses entrées partout. "[Google a] une stratégie très bien calibrée pour la société française, ils ont compris que, dans ce vieux pays, il y a des usages qu'il est bon de respecter. Ils ont recruté des lobbyistes qui savent parler aux pouvoirs publics" a expliqué au Monde un haut fonctionnaire.
Google jugé, Google menacé
Malgré cette équipe et d'importants moyens, Google n'a pas pu éviter toutes les attaques. Ainsi, la CNIL a condamné Google à verser une amende de 100 000 euros, le groupe a parfois perdu devant les tribunaux. Certes, a été condamné à payer 300 000 euros de dommages et intérêts pour avoir référencé des livres et a dû payer 500 000 euros pour abus de position dominante dans la recherche.
Sans parler des ennuis judiciaires rencontrés par ses filiales, YouTube en tête, pour des questions de droit d'auteur ou d'abus de position dominante. Cependant, les montants réclamés à l'entreprise sont restés relativement mesurés en comparaison des sommes dégagées par ses activités. Une situation qui pourrait toutefois changer, si certaines initiatives.
Google est ainsi la cible en France d'un redressement fiscal qui pourrait lui coûter 100 millions d'euros. L'entreprise est également au centre d'un débat sur la fiscalité numérique, le gouvernement souhaitant récupérer à son profit une part des gains dégagés par la firme. Il y a aussi le projet d'une Lex Google pour soutenir la presse, que l'entreprise combat vigoureusement, quitte à se montrer menaçant.
À l'échelon national, Google subit donc une forte pression. Mais c'est peut-être à l'échelon européen que se joue l'essentiel pour la société. En effet, Bruxelles mène une enquête sur des accusations d'abus de position dominante. Or, la pire menace est sans doute ici : car le pire scénario pour Google serait de subir une séparation fonctionnelle.
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