Pour ses Assises de l'Entreprenariat, Bercy a décidé de "donner la parole" aux internautes, qui peuvent contribuer pour apporter des idées. Mais elles doivent être glissées dans une boîte noire, sans possibilité pour le public de les consulter, d'en débattre ou de voter pour celles qui intéressent le plus. Une drôle d'idée du débat public en 2013.

Ce lundi en début d'après-midi, le Gouvernement a donné le coup d'envoi des Assises de l'entrepreneuriat, qui ont pour objectif de "favoriser l'esprit d'entreprendre en France afin de doubler le nombre de création d'entreprises de croissance sur le territoire d'ici cinq ans". Neuf thématiques ont été dégagées, correspondant à autant de groupes de travail, qui restitueront leurs travaux en avril 2013 :

  • Diffuser l’esprit d’entreprendre auprès des jeunes
  • Asseoir un cadre fiscal durable pour l’entrepreneur
  • Mobiliser tous les talents pour la création d’entreprise
  • Proposer de nouvelles sources de financement pour les entreprises
  • Promouvoir et valoriser l’entrepreneuriat "responsable"
  • Stimuler toutes les formes d’innovation dans l’entreprise
  • Offrir à l’entrepreneur un accompagnement "global" et sur mesure
  • Réussir la projection précoce des PME à l’international Inventer l’entreprise du "futur"

A cette occasion, le ministère du Redressement productif a mis en ligne un "espace contributif", sur lequel il est affirmé que "vous avez la parole". "Entrepreneurs, jeunes, membres d'organisations patronales et syndicales… Tous les citoyens peuvent participer à la réflexion des Assises de l'entrepreneuriat", dit le site internet. "Pour prendre part au débat, il suffit de proposer une mesure visant à favoriser l'esprit d'entreprendre en France, sur la thématique de son choix. La contribution se déroule en ligne, par le biais d'un formulaire. Les internautes sont appelés à donner un intitulé à leur suggestion, à expliciter ses objectifs et à décrire les moyens de sa mise en oeuvre".

Ni une ni deux, c'est donc ce que avons fait, en pensant créer un débat sur notre proposition, classée dans la thématique "stimuler toutes les formes d'innovation dans l'entreprise". Nous souhaitions en effet alerté le Gouvernement sur le problème de l'inflation de brevets, qui selon nous participe à la crise économique en paralysant les TPE et PME qui n'osent plus innover, de peur d'être poursuivies en contrefaçon. 

Voici donc ce que nous avons soumis au Gouvernement :

Chaque année, il est délivré dans le monde une quantité plus importante de brevets que l'année précédente (cf rapport de l'OMPI http://www.wipo.int/ipstats/en/wipi/index.html ). Nombre de ces brevets sont accordés alors qu'ils ne protègent aucune innovation technologique réelle, mais participent à la pollution d'un environnement juridique qui rend l'innovation trop risquée pour les petites et moyennes entreprises. Plus il existe de brevets octroyés, plus le risque de violer l'un de ces brevets ou d'être poursuivi à tort est accentué. Et plus l'évaluation de ce risque devient impossible.

En limitant le nombre de brevets accordés, par un durcissement réel des conditions d'octroi des titres de propriété industrielle, l'Etat aidera les entrepreneurs à ne plus avoir la crainte de la procédure judiciaire future avant même toute initiative d'innovation. Il favorisera l'émergence d'un climat plus paisible, favorable à l'émulation entre entreprises et à la saine concurrence.

Evidemment, cette question visait moins à obtenir une réponse positive qu'à faire prendre conscience du problème au moment où les pouvoirs publics se transforment en Patent Troll avec France Brevets, ou applaudissent la création du brevet unitaire européen qui ne fera que renforcer le problème d'inflation de titres de propriété industriels. 

Mais malheureusement, aucun débat public ne sera organisé sur cette question, sauf si le Gouvernement le décide. En effet, en 2013, à l'heure où le Gouvernement américain montre l'exemple en matière d'e-démocratie, quitte parfois à en rire, le ministère d'Arnaud Montebourg et Fleur Pellerin rate une occasion de prendre le train en marche.

"Merci d’avoir apporté votre voix au débat des Assises de l’entrepreneuriat. Votre proposition a bien été transmise au groupe de travail concerné, qui la prendra en compte dans ses réflexions", dit l'email que nous avons reçu. "Bien que non publiée sur l’espace www.assises-entrepreneuriat.gouv.fr pour des questions de confidentialité des travaux, votre proposition, si elle est retenue, fera l’objet d’une restitution lors de la journée de clôture des Assises de l’entrepreneuriat, en avril prochain."

Aucune des propositions faites par les internautes dans l'espace "boîte à idées" du site des Assises de l'Entreprenariat ne peut être débattue publiquement par ceux qu'elles concernent au premier chef. Et aucune règle n'est formulée sur les critères qui font qu'une idée sera restituée, ou qu'elle sera écartée. Elle sera "retenue", ou ne sera pas.

Dommage.

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