Jugeant que le législateur avait outrepassé ses pouvoirs en ne justifiant pas de protéger l'intérêt général, le Conseil constitutionnel a censuré mardi une disposition de la loi copie privée qui neutralisait l'effet d'actions de justice entreprises contre la "taxe copie privée".

C'est une décision qui sonne comme une victoire symbolique pour les adversaires de la rémunération pour copie privée, et surtout pour ceux qui se battent contre le sentiment de toute puissance des ayants droit, conforté par l'attitude des gouvernements successifs. En effet, le Conseil constitutionnel a décidé de donner raison à SFR, qui a obtenu via une QPC l'annulation d'un article de la loi du 20 décembre 2011 sur la rémunération copie privée, au motif que le législateur a outrepassé ses pouvoirs en cherchant à protéger les ayants droit.

En l'espèce, il était reproché à la loi de décembre 2011 d'avoir violé la séparation des pouvoirs en prorogeant d'un an le sursis de 6 mois qu'avait accordé le Conseil d'Etat le 17 juin 2011, lorsque la plus haute instance administrative avait décidé d'annuler en partie les barèmes de rémunération copie privée.

A l'époque, le Conseil d'Etat avait estimé qu'il était illégal de demander aux professionnels de payer la taxe copie privée sur des supports qu'ils n'utilisent pas pour copier des oeuvres protégées par le droit d'auteur. Mais pour ne pas obliger les ayants droit à rembourser les sommes indûment perçues, le Conseil avait accepté de décaler son application dans le temps, jusqu'au 22 décembre 2011. Faute de nouveau barème conforme voté dans les temps, le législateur s'était porté au secours des ayants droit pour proroger in extremis le délai et dire, par la loi, que la décision du Conseil d'Etat n'aurait pas d'effet sur les instances en cours.

Mais "si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c'est à la condition de poursuivre un but d'intérêt général suffisant et de respecter tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions", rappelle le Conseil constitutionnel dans sa décision rendue publique mardi.

Les sages notent que le législateur a voulu "éviter que cette annulation (par le Conseil d'Etat) prive les titulaires de droits d'auteur et de droits voisins de la compensation attribuée au titre de supports autres que ceux acquis notamment à des fins professionnelles". Or, "les motifs financiers invoqués à l'appui de la validation des rémunérations faisant l'objet d'une instance en cours le 18 juin 2011, qui portent sur des sommes dont l'importance du montant n'est pas établie, ne peuvent être regardés comme suffisants pour justifier une telle atteinte aux droits des personnes qui avaient engagé une procédure contentieuse avant cette date".

Le Conseil constitutionnel a donc logiquement annulé la disposition de la loi qui neutralise l'effet d'une action contentieuse contre les anciens barèmes annulés par le Conseil d'Etat. Mais la décision des Sages n'aura aucun effet sur la rémunération copie privée elle-même, dont de nouveaux barèmes sont entrés en vigueur récemment.

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