Mise à jour : voir le démenti musclé de Pierre Lescure.
Jeudi dernier, Libération a publié un article qui relatait les pistes qu'envisagerait Pierre Lescure pour le fameux "acte 2 de l'exception culturelle" souhaité par François Hollande. A cette occasion, le quotidien écrivait ces deux phrases, dans un même parapgraphe : "En parallèle, pas de dépénalisation des échanges non marchands au programme, mais la volonté de « valoriser » les licences libres du type Creative Commons. La mission Lescure estime que laisser les œuvres circuler librement (ce qu’elles font déjà…) risquerait de freiner le développement de l’offre légale, en particulier la VOD".
En première lecture, nous n'avions pas interprété ces deux phrases comme la traduction d'une envie de faire payer les oeuvres diffusées librement sous licence Creative Commons, ou autres. Mais certains les ont interprétées comme la volonté de Pierre Lescure de rendre payante l'utilisation d'oeuvres sous licence Creative Commons, pour contrer une forme de concurrence aux offres légales traditionnelles.
C'est en particulier le cas de Lionel Maurel, co-fondateur du mouvement SavoirsCom1, qui y voit la marque d'une proposition de l'influente Union des Photographes Professionnels (UPP), que l'on sait en guerre contre les photographes amateurs. L'UPP les voient comme une forme de concurrence déloyale à l'heure où l'on trouve des millions de photos gratuites et de grande qualité sur Flickr, 500px, Wikimedia Commons, et nombre d'autres plateformes.
Ainsi, Lionel Maurel se souvient qu'en septembre dernier, il avait écrit sur son blog un article qui analysait une proposition de l'UPP, qui se disait "favorable à une modification du Code de la propriété intellectuelle, prévoyant que l’usage professionnel d’oeuvres photographiques est présumé avoir un caractère onéreux". En clair, le lobby des photographes professionnels demande effectivement à Pierre Lescure que toute utilisation d'une photographie dans un cadre commercial quelconque (que ce soit pour la vendre ou simplement pour l'afficher sur un site internet où figure de la publicité) soit payante, sauf si l'exploitant peut apporter la preuve que le photographe souhaitait la rendre gratuite dans un cadre non commercial. Or la seule utilisation d'une licence Creative Commons ne serait pas suffisante à établir cette preuve contraire.
Un précédent rejeté au Sénat en 2010
"L’UPP dit qu’elle est en faveur de la mise en place d’un système de licence collective étendue pour les exploitations numériques, ce qui signifie qu’ils veulent qu’une société de gestion collective (une sorte de SACEM de la photo) obtienne compétence générale pour délivrer les autorisations d’exploitation commerciale des photos et percevoir une rémunération", constatait Lionel Maurel. Or, "dans un tel système, tous les auteurs de photographies sont réputés adhérer à la société. Ils ne peuvent en sortir qu’en se manifestant explicitement auprès d’elle (dispositif dit d’opt-out)".
Si le photographe amateur n'écrit pas à l'UPP, ses photographies sont présumées payantes. Même s'il a choisi de dire explicitement le contraire avec une licence libre qui autoriserait les exploitations commerciales.
En 2010, le Sénat avait déjà rejeté une disposition d'une proposition de loi sur les oeuvres visuelles orphelines, qui prévoyait de faire entrer dans la gestion collective toute photographie dont l'auteur n'est pas clairement identifié, ou qui n'est pas joignable ; ce qui est le cas pour des millions de photographies envoyées anonymement sur Internet. Ces oeuvres, de fait, seraient devenues payantes, sans que leurs auteurs ne touchent la somme collectée. "On ne peut, pour l'heure, empêcher les auteurs de donner leurs œuvres gratuitement. Mais comme ils ont alors tendance à ne plus s'en occuper, elles deviennent orphelines et il faut en profiter pour les contrôler et casser le cancer de la gratuité", avaient à l'époque dénoncé des associations de défense du logiciel libre.
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