Chaque année, Reporters Sans Frontières actualise la liste des États considérés comme des "ennemis de l'Internet". À la lecture du palmarès de l'édition 2013, l'organisme de défense de la liberté de la presse révèle une liste resserrée. De douze nations épinglées l'an passé, il n'en reste plus que cinq aujourd'hui : Bahreïn, la Chine, l'Iran, la Syrie et le Vietnam.
Est-ce à dire que les autres pays auparavant listés dans cette catégorie sont revenus à des pratiques plus acceptables ? Non, bien sûr. L'Arabie saoudite, la Biélorussie, la Birmanie, la Corée du Nord, Cuba, l'Ouzbékistan et le Turkménistan sont loin de satisfaire les standards qui leur permettraient de quitter la catégorie des ennemis de l'Internet.
Mais RSF ne pouvait pas allonger continuellement cette liste sans en affecter la portée et la signification. Ainsi, cette liste se concentre sur les "États menant une politique de surveillance en ligne systématique avec de graves violations des droits de l’homme [et] comme les pires États 'espions' dont les efforts de surveillance sont dirigés contre les voix dissidentes et se sont renforcés ces derniers mois".
L'édition 2013 du rapport passe aussi à la trappe la catégorie des pays sous surveillance. En 2012, quatorze pays étaient listés dont trois répondant à des critères élevés de l'État de droit : l'Australie, la Corée du Sud et la France (déjà listée en 2011). Ces pays étaient regroupés avec les Émirats Arabes Unis, l’Égypte l’Érythrée, l'Inde le Kazakhstan, la Malaisie, la Russie, le Sri Lanka, la Tunisie et la Turquie.
Une nouvelle section dédiée aux firmes ennemies du net.
Si RSF a décidé de limiter son analyse aux États dans lesquels la situation est la plus critique, l'association a néanmoins inauguré une nouvelle section consacrée aux entreprises considérées comme des "ennemies d’Internet". Pour cette première édition, cinq sociétés sont pointées du doigt. Il s'agit d'Amesys (France), de Blue Coat (USA), de Gamma (Royaume-Uni), de Hacking Team (Italie) et de Trovicor (Allemagne).
Présentés comme des "mercenaires de l'ère digitale", "leurs produits – outils d'optimisation de réseau ou de lutte contre la criminalité – ont été ou sont utilisés par les autorités de pays répressifs pour commettre des violations des droits de l’homme et de la liberté de l’information", explique l'organisme de défense, qui rappelle que les États totalitaires ne pourraient pas espionner sans le concours de ces groupes.
Dans le cas d'Amesys, RSF explique que "les produits Eagle fournis par la société Amesys ont également été découverts dans les locaux de la police secrète de Mouammar Kadhafi". Ceux-ci ont été utilisés "pour surveiller des journalistes et des militants des droits de l'Homme" en Libye. Cette affaire a entraîné des suites judiciaires, avec le dépôt d'une plainte de la FIDH devant les tribunaux français.
RSF constate à cette occasion que "les régimes qui cherchent à contrôler l’information préfèrent de plus en plus agir dans la discrétion, avec des censures subtiles et une surveillance des protagonistes parfois à leur insu, plutôt que de procéder à un blocage de l’information facilement contournable et générateur de mauvaise publicité".
Contrôler les technologies à double usage
À l'occasion de la publication du rapport 2013, RSF plaide pour un renforcement strict des contrôles lorsque de pareilles technologies sont susceptibles d'être exportées. "Il est temps que les dirigeants […] qui condamnent officiellement les atteintes à la liberté d’expression en ligne prennent des mesures fortes", en bloquant l'exportation vers les pays foulant au pied les droits fondamentaux.
À ce sujet, soulignons que le gouvernement français a affiché de bonnes intentions en la matière mais qu'il faut encore traduire dans les faits. Dans la liste des 18 mesures en faveur du numérique, Jean-Marc Ayrault a notamment souhaité l'intégration des outils numériques permettant de surveiller Internet dans la liste des technologies et des biens à double usage.
Le premier ministre a annoncé que les pays signataires de l'Arrangement de Wassenaar, incluant les Etats-Unis, l'Allemagne, l'Italie et le Royaume-Uni, ont été prévenus des intentions françaises en la matière. Reste à savoir si la polémique engendrée par la participation de sociétés occidentales à la censure de masse dans les Etats autoritaires suffira à faire bouger les lignes.
Rappelons que le Parlement européen s'est prononcé en octobre en faveur d'un contrôle accru sur la vente d'armes électroniques vers les pays n'ayant pas signé l'Arrangement de Wassenaar ou confrontés à des situations d'urgence. Bien que non contraignant, la résolution a envoyé un signal politique de plus en faveur de la limitation des exportations.
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