Il y a trois ans, M6 avait publié dans 66 Minutes un reportage très favorable à la Hadopi, à une époque où la chaîne privée militait encore pour l'instauration de l'autorité administrative chargée de la lutte contre le piratage sur Internet. Depuis, la Hadopi s'est avérée en grande partie inefficace, et les ayants droit mènent campagne pour qu'elle soit remplacée par un dispositif mécanique d'amendes automatisées, dans le cadre de la mission Lescure.
C'est donc avec ce contexte en tête qu'il faut regarder le reportage consacré dimanche soir à la Hadopi dans l'émission Capital, sur la même chaîne M6. La chaîne n'est pas devenue une opposante à la lutte contre le piratage, mais une opposante à la Hadopi qui n'a pas les résultats espérés. Et son reportage contribue donc à militer pour son remplacement par une Hadopi-bis dotés de pouvoirs plus importants.
"Plus de 35 millions d'euros d'argent public dépensé pour lutter contre le piratage sur Internet, est-ce que c'est trop cher ?", se demandait ainsi le magazine dans son sommaire. "Pour l'heure, un seul pirate a dû payer une amende de 150 euros".
En début de reportage, M6 interroge la présidente de la Commission de protection des droits (CPD) de l'Hadopi, Mireille Imbert-Quaretta, qui estime que la procédure de la riposte graduée, en trois étapes, fait de la Hadopi "des bisounours". Il note que les lettres recommandées envoyées aux internautes récidivistes, "c'est 4,79 € pièce, et il y en a eu 130 000 envoyés". Tout cela au final pour une seule condamnation à 150 euros d'amende. "Et bien figurez-vous que chez Hadopi, on est très fier de ce bilan", se moque M6.
Puis démonstration à l'appui réalisée par notre confrère Marc Rees de PC Inpact, M6 montre que le streaming est hors de portée de l'Hadopi, alors qu'il est largement utilisé pour consommer des produits culturels gratuitement, en toute illégalité. Or l'on sait que la lutte contre le streaming est un axe majeur de la mission Lescure, et que les ayants droit poussent même pour aller jusqu'au blocage des sites illégaux.
M6 interroge par ailleurs Jean Musitelli, ancien membre de l'Hadopi, qui a démissionné parce qu'il jugeait que la Haute Autorité n'était pas assez efficace, et qui dénonce la "pseudo mission de labellisation de l'offre légale, qui était totalement inutile". Musitelli faisait partie des tenants de la ligne dure, pour qui l'Hadopi devait exclusivement servir à lutter contre les pirates, et rien d'autre.
Enfin, le reportage se conclut sur un micro-trottoir anonyme, dans lequel des jeunes reconnaissent unanimement que l'Hadopi ne leur fait pas peur et qu'ils continuent de pirater. "Si l'on fait les totaux, Hadopi a déjà coûté 35 millions d'euros. Alors est-il nécessaire de dépenser encore 8,5 millions d'euros cette année pour faire tourner la machine ?", demande M6, de façon purement rhétorique.
Mais à aucun moment la chaîne ne remet en cause le fondement-même de la Haute Autorité, qui était la lutte contre le piratage. Elle lui reproche juste de ne pas être assez efficace au regard du très faible nombre de condamnations, et des comportements qui n'ont fait qu'évoluer vers d'autres pratiques de piratage contre lesquelles l'Hadopi ne peut rien.
La défense finale est accordée au député UMP Franck Riester, membre de l'Hadopi qu'il a contribué à créer en tant que rapporteur de la loi à l'Assemblée Nationale, et qui demande que la Haute Autorité ne soit pas supprimée pour ne pas sacrifier "l'exception culturelle", et ne pas envoyer "un message ravageur qui serait un couteau dans le dos des filières culturelles". Mais Capital semble signifier que les dés sont jetés, en rappelant en conclusion que la ministre de la Culture Aurélie Filippetti, "plutôt critique sur la Haute Autorité" , a donné mission à Pierre Lescure de lui remettre un rapport.
+ rapide, + pratique, + exclusif
Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.
Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.
Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci
Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.
Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :
- 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
- 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
- 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.
Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.
Abonnez-vous à Numerama sur Google News pour ne manquer aucune info !