L’industrie du cinéma avait salué une « victoire majeure » en évoquant la saisie des serveurs eDonkey/eMule de Razorback. Mais comme prévu, la chute du plus gros serveur mondial n’a eu aucun effet sur le niveau d’utilisation des réseaux P2P…

Nous révélions la semaine dernière la saisie des serveurs Razorback, les plus gros serveurs eDonkey/eMule du monde, qui accueillaient plus d’un million d’utilisateurs. Mais immédiatement nous avions indiqué que « la disparition de Razorback ne changera absolument rien pour les millions d’utilisateurs d’eMule, qui bénéficient déjà depuis de très nombreux mois d’un réseau entièrement décentralisé baptisé ‘Kad’« . La MPAA, l’association américaine de l’industrie cinématographique, s’était bien sûr aussitôt réjouie de cette opération suisso-belge, et avait salué « une victoire majeure dans [leur] combat pour arrêter la fourniture de contenu illégal qui circule sur l’internet via les réseaux peer-to-peer« . En réalité, comme nous l’indiquions alors, « avec la saisie des serveurs de Razorback, seule la partie légale du P2P a été atteinte« .

CacheLogic, la très sérieuse firme britannique spécialisée dans l’étude et la gestion du traffic P2P, récemment associée à NTL pour mettre en place un réseau BitTorrent légal, confirme nos pensées sur eCommerce Times. « Nous n’avons vu aucun effet [de l’arrêt de Razorback] sur les niveaux de traffic eDonkey« , confie au magazine Andrew Parker, responsable technique de CacheLogic. « Au niveau technique ça n’est pas particulièrement surprenant, le serveur Razorback est simplement un serveur d’index eDonkey. Il ne contient en réalité aucun contenu illégal en soit, mais uniquement les détails sur qui partage quel contenu« .

A l’heure où nous écrivons ces lignes, 3,4 millions d’utilisateurs s’échangent des fichiers sur eMule, soit sensiblement le même nombre qu’un lundi matin traditionnel.

Accusé par l’industrie, Razorback devra défendre son innocence
Dans une interview accordée au journal suisse Le Nouvelliste, Maître Sébastien Fanti, l’avocat de l’association Razorback et de son administrateur Bile666, affirme que ses clients « sont innocents ». « Ils ne sont pas fous non plus et ont demandé des avis de droit dans toute l’Europe pour savoir si leur activité était légale ou non« , indique l’avocat. « On ne peut pas leur reprocher de ne pas avoir pris de précautions, que ce soit au niveau légal ou technique (développement et mise en place d’un filtrage par algorithmes, par « hash » en termes techniques)« .

« Il faudra [que les plaignants] viennent nous prouver qu’il y avait quelque chose d’illicite sur ce serveur qui appartient à l’association de droit suisse Razorback et que mon client qui n’est que membre du comité en a eu connaissance« , ajoute Me Fanti. « De surcroît, il n’est pas responsable du reste du réseau« .

« Aujourd’hui on ne peut pas dire que mon client a commis quelque chose d’illicite« , martelle l’homme de loi. « Et aujourd’hui on le présente comme LE gros pirate. Mais quel pirate ? Seule son activité professionnelle l’empêche d’apparaître au grand jour et de s’expliquer« .

Il faudra néanmoins attendre de nombreux mois avant que Razorback ne puisse se défendre face à un tribunal et peut-être prouver son innocence au regard du droit d’auteur. Techniquement, Razorback ne semble pas plus responsable de l’indexation de fichiers illicites véhiculés sur le réseau eDonkey que Google n’est responsable de l’indexation de contenus illicites diffusés sur le web. C’est en tout cas ce que devra juger la justice suisse.

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