Depuis les années soixante-dix, les attentats se produisant dans les pays développés – donc disposant d'importants médias – ont la caractéristique d'être des évènements hautement télégéniques. Comme l'explique Matthew Carr dans son essai sur le terrorisme, La Mécanique Infernale, "l'intention [des terroristes] était justement d'attirer l'attention et c'est ce qui se produisait le plus souvent".
Dans le cas des attentats à la bombe survenus lors du marathon de Boston, impossible de savoir pour le moment si les auteurs ont voulu attirer l'attention en ciblant une compétition sportive. Toujours est-il qu'ils ont choisi de s'en prendre à un évènement très suivi par la presse. De nombreux journalistes étaient sur place, certains ayant même participé directement à la course : dès lors, l'impact médiatique a été maximal.
Il suffit de voir le volume colossal de photographies et de vidéos pour le constater. Prises par les journalistes, les caméras de surveillance et le public, ces contenus ont fourni de nombreux éléments utiles à l'enquête du FBI. Mais la police fédérale américaine n'a pas eu l'exclusivité de cette matière première. De très nombreux fichiers ont été diffusés en ligne, poussant les internautes à se retrousser les manches.
Ce phénomène n'est pas nouveau. En France, beaucoup ont cherché à pister la trace de Xavier Dupont de Ligonnès, suspecté d'avoir tué les membres de sa famille. En 2009, aux États-Unis, des internautes fréquentant l'imageboard 4Chan ont réussi à retrouver l'identité d'un Américain qui avait publié deux vidéos dans lesquelles il martyrisait son chat. L'adolescent a alors été dénoncé à la police.
Internautes-enquêteurs
Encouragés par l'appel à témoins lancé par les autorités américaines, des milliers d'internautes se sont lancés depuis le 15 avril dans une vaste traque participative. Sur des plateformes comme Reddit ou 4Chan, les utilisateurs ont ainsi comparé les photos et les vidéos à disposition, observé la scène du crime après les explosions et cherché un passant ayant une attitude suspecte dans la foule.
Tout est observé, discuté, évalué. Sur une photo, l'internaute remarque la présence d'un sac à dos visiblement posé au sol et qui a été retrouvé à proximité de la zone de l'explosion. Est-ce ce sac qui transportait la bombe ? Sur cet autre cliché, un participant observe les rouflaquettes d'un passant en se basant sur les informations relayées par la presse.
Très vite, les internautes repèrent deux suspects, chacun avec un sac et dont la proximité avec la zone où la seconde bombe a explosé interpelle. Les internautes remarquent également la disparition d'un des deux sacs en comparant les photographies a différentes heures. En tout cas, il n'est plus visible. Les réflexions vont jusqu'à deviner le contenu d'un sac, selon sa déformation et le poids exercé par son contenu.
Mais les deux suspects, l'un habillé de noir, avec une casquette blanche et des lunettes noires, l'autre avec un haut de survêtement bleu, un pantalon noir et des chaussures rouges, n'ont pas été les seuls à être pointés du doigt par les internautes. S'ils ont été fait l'objet d'une attention toute particulière, c'est aussi le cas de ce passant vêtu d'un t-shirt rouge et d'une polaire bleue dont le sac a dos a été retrouvé éventré.
Sur Reddit et sur 4Chan, ainsi que sur de nombreux autres sites web comme Flickr, des discussions pour tenter d'identifier les auteurs des attentats ont été engagées. Une section dédiée a même été ouverte sur Reddit, où plus de 9000 personnes suivent et participent aux échanges. Mais il est finalement apparu que les internautes ont fait fausse route dans la plupart des cas.
Mauvaises cibles
Épris de justice et parfois désireux de se venger, les internautes-enquêteurs oublient parfois une chose essentielle : ils ne sont pas de vrais enquêteurs. Dès lors, les pistes suivies, aussi prometteuses soient-elles, ne doivent pas être considérées sans un minimum de recul. Car bafouer la présomption d’innocence, c'est prendre le risque de pourrir l'existence de gens qui n'ont rien demandé. Et cela vaut aussi pour les homonymes
Car il ne suffit pas d'avoir l'air suspect pour effectivement l'être. On se souvient ainsi de l'emballement autour de cette photo où l'on voit un homme sur un toit au moment de l'explosion. Aux yeux du Sun, cela ne laissait alors guère de place au doute : qui peut donc se promener sur un toit, en direction de l'explosion, sans exprimer le moindre mouvement de panique, sinon l'auteur de l'attentat, estimait le tabloïd.
Les enseignements de cette affaire seront-ils digérés par les internautes. Rien n'est moins sûr. Nul doute qu'au prochain drame du même type, la même séquence se déroulera. En attendant, le dénouement de l'affaire en cours est proche. Le FBI a officiellement publié une photo d'un des suspects. Il s'appelle Dzhokar Tsarnaev, est âgé de 19 ans et est originaire de Tchétchénie.
Tamerlan Tsarnaev, son frère de 26 ans, a été abattu par la police plus tôt dans la journée.
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