Deux mois et demi après le tremblement de terre de décembre dernier, les parlementaires se réunissaient à nouveau mardi pour débattre du projet de loi sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information (DADVSI). Comme pressenti, les positions de partis semblent difficiles à tenir alors que les individualités s’expriment dans chaque camp.

Le gouvernement pouvait s’y attendre, la manœuvre politique opérée par le retrait de l’article 1er de son projet de loi DADVSI a soulevé de très vives critiques de la part de l’opposition. Après l’usage du 49.3 sur le contrat de première embauche, « le manque de respect de l’Assemblée Nationale ne fait que s’accentuer« , a dénoncé en préambule Jean-Marc Ayrault, le président du groupe socialiste à l’Assemblée, rejoint dans cette critique par des députés de toutes les formations. Il aura fallu au gouvernement l’intervention éducative du Président de l’Assemblée Nationale, Jean-Louis Debré, pour rappeler à l’opposition que la jurisprudence du Conseil constitutionnel valide le retrait de tout ou partie d’un projet de loi. M. Debré, qui s’était énervé du manque de préparation du projet de loi en décembre dernier, a montré cette fois son plus profond soutien au gouvernement, quelques jours après qu’il ait lui-même invité les artistes et les députés à une consultation qui excluait les représentants pro-licence globale. « J’adhère à la procédure qui assure la clarté et la sincérité des débats« , a-t-il immédiatement indiqué à propos du retrait de l’article 1er. Elle est « conforme à la constitution, à nos réglements et à l’esprit de nos institutions« . Pour M. Debré, garant du respect des droits du Parlement, le retrait de l’article 1er permet de rediscuter du projet de loi et de la licence globale dans des conditions meilleures et plus favorables au débat que dans une assemblée vide telle que celle réunie à la veille de Noël.

Les socialistes, qui ont annoncé qu’ils saisiront le Conseil constitutionnel, ont rappelé que le retrait d’un article en cours de discussion est du jamais vu depuis 45 ans. Une manière pour Renaud Donnedieu de Vabres de rentrer dans l’histoire, ironisera un député.

« Je vous ai entendu », affirme RDDV
N’osant reprendre la célèbre formule du Général, le lieutenant Renaud Donnedieu de Vabres a indiqué aux parlementaires qu’il les avait « entendu » lors des trois auditions auxquelles il s’est rendu. « Par principe et par conviction politique, j’ai le plus grand respect du Parlement« , a-t-il assuré dans le climat de procédure d’urgence qui est celui que subissent les députés avec ce projet de loi. Abandonnant la formule de la « réponse graduée », le ministre de la Culture a insisté ce mardi sur le concept de « l’internet équitable », où « le choix de la gratuité appartient aux auteurs« .

Une lecture difficile de l’échiquier politique
Après cette introduction houleuse, le nouvel article 1er soumis lundi soir par voie d’amendement par le gouvernement est entré en discussion. La première séance de cette deuxième manche du débat devait permettre de sonder la représentation parlementaire. Elle nous semble avoir au contraire brouillé les pistes.

Sans surprise, à gauche les députés socialistes, communistes et verts font front commun en faveur de la licence globale. Le trio Bloche, Mathus et Paul a su garder toute sa force, toujours épaulé par le communiste Frédéric Dutoit et par la député vert Martine Billard. Bernard Accoyer, président du groupe UMP, remarque et dénonce toutefois l’absence des socialistes qui s’étaient publiquement exprimés contre cette idée et tiennent donc « un double langage« . « Je vous rassure nous avons des convictions« , a répondu Jean-Marc Ayrault, et « elles doivent être en permanence soumises à la contestation et au débat« .

A droite et au centre, en revanche, le violon est plus difficile à accorder sur le sort de la musique sur Internet. Nicolas Dupont-Aignan (UMP), absent du débat en décembre, a affirmé son soutient à la licence globale aux côtés de sa collègue Christine Boutin, tandis que le député UMP Alain Suguenot, architecte de la licence globale en décembre dernier, est quant à lui apparu moins solide dans ses convictions. A l’UDF, c’est François Bayrou qui a créé la surprise, en se prononçant pour la rémunération pour copie privée sur Internet, au nom de ses convictions personnelles. Il rejoint ainsi en partie la licence globale, mais n’ose imposer à son groupe sa vision. Il s’oppose en effet à son collègue Jean Dionis du Séjour, qui juge injuste et inapplicable la licence globale.

Dans ce climat, difficile de préjuger du résultat du vote des nouveaux amendements sur la licence globale.

Une licence globale remaniée, le DRM toujours au centre des discussions
La licence globale semble d’ailleurs avoir fait l’objet d’une révision dans les rangs socialistes. Alors qu’elle avait été présentée comme optionnelle en décembre, « la licence globale ne peut avoir qu’un caractère ogligatoire si nous souhaitons le respect des libertés publiques et le respect de la vie privée« , a indiqué Patrick Bloche en ouverture des débats. C’est « fondamentalement injuste pour ceux qui ne téléchargent pas ou peu« , condamne Dionis du Séjour.

La première séance de ce mardi a cependant confirmé que le logiciel libre et l’interopérabilité resteraient des points centraux de discussion. Chacun s’accorde à vouloir les protéger, et il faudra beaucoup d’arguments pour convaincre que le projet de loi présenté par le gouvernement réalise cette quadrature du cercle qu’est le respect de l’intégrité des DRM sans enfreindre la protection du logiciel libre et la parfaite interopérabilité. Plus que la licence globale, dont les chances d’adoption restent minces, ce sont sur ces questions cruciales et consensuelles que la DADVSI devrait rapidement montrer ses limites.

Interrompu vers 21H, le débat doit reprendre à 22H pour s’interrompre tard dans la nuit.

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