Parmi les nombreuses propositions avancées par Pierre Lescure pour acclimater les politiques culturelles au numérique, certaines ont trait à la fiscalité. La mesure 48 invite ainsi les pouvoirs publics à "instaurer une taxe sur les appareils connectés permettant de stocker ou de lire des contenus culturels". Voulue par le monde de la culture, cette taxe a provoqué une levée de boucliers chez les fabricants et importateurs de supports.
Au ministère de l'économie et des finances, cette piste n'est pas davantage souhaitée. Selon l'hebdomadaire Le Point, Pierre Moscovici a rappelé les engagements de François Hollande lors de la campagne présidentielle, à savoir "qu'il n'y aura pas de nouveaux impôts ni de taxes l'an prochain". Faut-il comprendre qu'une des propositions de la mission Lescure est d'ores et déjà écartée ?
Cela dépend si l'on raisonne à fiscalité constante. S'exprimant sur France Culture, Pierre Lescure a expliqué le sens de ce prélèvement : "dans les trois à cinq ans qui viennent, la copie va disparaître. Elle sera un acte de moins en moins réel, alors que l'accès est quelque chose qui va se développer", comme le cloud computing. Autrement dit, la rémunération pour copie privée va perdre sa réalité et sa substance.
Cette taxe vise donc à préparer un glissement en délaissant progressivement la rémunération pour copie privée au profit d'un prélèvement au niveau de l'ensemble des objets connectés qui permettent de profiter des contenus culturels puisque l'usage majeur sera de moins en moins le téléchargement (d'un MP3, d'un film) mais de plus en plus l'accès (abonnement de musique, VOD, SVOD…).
Mais le choix d'un "taux extrêmement faible" suffira-t-il pour compenser la rémunération pour copie privée ? A priori non, et Pierre Lescure le sait. Il faudra vraisemblablement monter le taux de cette taxe à 3 ou 4 %. Mais, selon lui, le client n'en souffrira pas puisque la montée en puissance de cette taxe se fera sur l'espace laissé par la rémunération pour copie privée, qui est vouée à reculer inéluctablement.
D'ailleurs, note Le Point, cette perspective séduit l'exécutif malgré la frilosité de Pierre Moscovici. Il s'agit d'une "petite taxe indolore pour le consommateur", puisqu'elle remplace peu à peu la rémunération pour copie privée, dont le rendement chute. Sur le papier, il ne devrait donc pas payer plus cher ses appareils. La SACD, par le biais de son président, y est très favorable.
Reste une question : quels seront les objets connectés qui seront concernés par ce prélèvement ? Si on imagine sans mal que les ordinateurs, les téléphones, les tablettes, les baladeurs, les consoles et les liseuses numériques seront touchés, qu'en est-il des autres terminaux ? D'ailleurs, nombre d'objets connectés ne seront pas des terminaux. C'est là-dessus qu'une distinction devra se faire.
C'est justement ce que relève Nicolas Colin, inspecteur des finances et co-auteur du rapport sur la fiscalité numérique. Interrogé par Frenchweb, il note que "la difficulté sera de distinguer la mise à disposition des œuvres des autres services rendus par l’intermédiaire des appareils connectés. Demain, tous les objets seront connectés et dotés de capacité d’hébergement et de traitement de données".
Faudra-t-il alors prélever sur les voitures connectées ? Sur les réfrigérateurs ? Sur les réveils ? Sur les machines à café ? Sur les compteurs électriques ? "Or on ne peut prélever une taxe « culture » sur [ces dispositifs], bientôt tous connectés, ces objets n’ont rien à voir avec les œuvres protégées par le droit d’auteur", estime Nicolas Colin.
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