Mise à jour : la RATP nous a indiqué que le projet a été définitivement abandonné.
Il y a vingt ans, la RATP signait un partenariat avec la SNCF et le groupe Innovatron pour développer ce qui allait devenir le passe Navigo, commercialisé depuis 2001. Plutôt que d'acheter des tickets cartonnés, les utilisateurs des transports publics parisiens peuvent utiliser ces cartes basées sur des puces RFID. Chaque carte comporte une puce sur laquelle sont stockées les éléments d'identification du porteur, et le type d'abonnement souscrit. Côté serveurs, la RATP stocke des informations sur les trajets récents effectués par les usagers, ce qui a incité la CNIL à demander qu'une formule anonyme du passe Navigo soit également proposée (il s'agit du passe Navigo Découverte).
Mais la RATP veut aller encore plus loin. La société a fait appel à l'association d'entreprises Pacte PME pour lancer un appel à compétences concernant un système de "reconnaissance faciale", qui vise à utiliser des caméras et un système d'analyse des caractéristiques des visages pour identifier les abonnés sans même qu'ils aient à sortir leur passe Navigo. Le système devra utiliser des "capteurs vidéo capables de procéder à une acquisition à courte distance et de bonne qualité sur un individu en mouvement".
Selon le cahier des spécifications fonctionnelles et techniques (.pdf), dont la première version remonte au 30 novembre 2012, "l'objectif de ce projet est l'étude d'un nouveau concept de péage de transport public, sans barrière anti-fraude, capable d’une détection automatique du voyageur, en entrée et en sortie, sans ou avec présentation d’un objet communiquant". Le département d'ingénierie des systèmes d'information (ING) de la RATP précise très explicitement qu'elle souhaite proposer "le développement d’un système de péage à base de reconnaissance faciale permettant d'identifier le voyageur à l’entrée et à la sortie du réseau".
"Le système ira donc comparer la signature biométrique du voyageur présent devant les capteurs, à celles enregistrées en base de données et calculera un coût de transport", ajoute le document.
L'objectif annoncé est de fluidifier au maximum la circulation des passagers en évitant les goulots d'étranglement provoqués par les barrières d'accès aux métros, et de repérer les fraudeurs dans un flot continu d'usagers. "En gros, plus besoin de contrôleurs pour sanctionner les vilains méchants qui ne paient pas, on les aura directement via caméra… Sauf qu’au passage, on filmera tout le monde et qu’en soi, cela représente une atteinte aux libertés publiques". s'inquiète Sete'Ici. "Accessoirement, donc, on saura aussi tes heures de déplacement, avec qui tu papotes quand tu prends le métro avec d’autres gens, qui tu rencontres dans les couloirs…".
"Afin d’assurer que l'acte de validation est effectif, le client sera informé par un signal lumineux et sonore. Si le voyageur est en situation irrégulière, le système l’informera par les mêmes moyens", indique le document de la RATP. Il précise que "le passage envisagé étant potentiellement ouvert et représentant une incitation à la fraude, l’étude devra mettre en oeuvre des solutions pour en éviter l’augmentation, notamment grâce au comptage voyageur".
Lorsque l'usager du métro parisien ne sera pas reconnu par le système, son empreinte biométrique (sa tête) sera enregistrée dans une base de données de "fraudeurs", pour "enregistrer l'ensemble de ses infractions". Sans doute alors sera-t-il déclenché une alerte en cas de fraudes répétées, qui permettront aux contrôleurs de suivre et d'intercepter le fraudeur grâce aux différentes caméras installées dans les stations de métro.
"L'objectif est de terminer le projet fin décembre 2013", précise la RATP.
Si un tel projet voyait effectivement le jour, la polémique sera certainement très vive. Facebook, qui dispose lui-même d'une technologie de reconnaissance faciale, a dû renoncer à la mettre en oeuvre pour le moment en Europe, face aux réticences des pouvoirs publics. Mais la RATP aura des atouts non négligeables à faire valoir pour obtenir le feu vert des autorités, en particulier en matière de sécurité publique.
Le fait de disposer d'un fichier d'empreintes faciales des usagers du métro sera en effet très apprécié des forces de police qui disposent eux-mêmes d'un projet de base de données d'identification faciale, et qui verront là le moyen d'accélérer leurs recherches de suspects. Bien qu'encore balbutiante, la technologie est de plus en plus utilisée par les services de police, et sera d'autant plus performante que le nombre des empreintes faciales et des caméras seront multipliées.
(illustration : CC Scalino)
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