C’est toujours dans la nuit que se sont joués les drames dans le débat sur le droit d’auteur, et la nuit de jeudi en a fait une triste démonstration supplémentaire avec l’adoption par la majorité de l’amendement Vivendi destiné à « chasser » le P2P du territoire virtuel français.

L’ambiance était extrêmement lourde, pesante, assomante et vibrante lorsque s’engagea vers 21H40 la discussion sur l’amendement 150 dit « Vivendi/Universal ». Jamais depuis le début des débats sur le projet de loi DADVSI le ton n’avait été aussi solennel et la voix si émue dans les exhortations de l’opposition à ne pas adopter une disposition unique au monde. Cet amendement prévoyait en substance la criminalisation de la création et de la mise à disposition de logiciels d’échanges de fichiers. Tous les rangs se sont levés pour exprimer leurs craintes les plus vives face à un amendement qui condamnerait l’innovation française en ce domaine, sans aucun effet pratique positif dans les objectifs poursuivis par le gouvernement.

« Si nous votons cet amendement nous tuons le développement du logiciel libre dans notre pays. Nous tuons l’innovation et la recherche dans un domaine où les Français ont été pionniers. Si nous avons un réflexe de patriotisme économique, nous ne pouvons voter cet amendement en pleine conscience« , a prévenu avec beaucoup d’émotion le député socialiste Patrick Bloche. « Vous ne devez pas confondre l’outil et l’usage« , a appuyé son collègue Christian Paul, soutenu par l’ensemble de l’opposition.

Mais le couperet tombe lorsque le ministre de la Culture Renaud Donnedieu de Vabres prononce la sentence : « avis favorable à l’amendement 150 ».

« Je suis un peu effondrée Monsieur Le ministre« , s’émeut aussitôt la Vert Martine Billard. « Je ne pensais pas que vous iriez aussi loin« .

Carayon, bourreau maladroit du logiciel libre
Le député UMP Bernard Carayon a trahi en cette nuit de jeudi les espoirs placés en lui par la communauté du logiciel libre, qui croyait avoir un bon avocat et a découvert son bourreau. Ce dernier a certes limité les effets de l’amendement Vivendi par deux sous-amendements, mais il n’a pas porté la fronde parlementaire que d’aucun attendait au moins sur cette disposition. En cautionnant l’amendement 150, M. Carayon a invité la majorité parlementaire à suivre la logique tyrannique du gouvernement et à voter l’amendement Vivendi. Richard Cazenave, qui dit pourtant s’être « opposé depuis le début » à l’amendement Vivendi, l’a ainsi tout de même voté au bénéfice de ces nouvelles restrictions censées annuler les effets premiers.

La disposition telle qu’elle a été votée jeudi soir à 55 voix contre 19 prévoit de punir « de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende le fait, 1° d’éditer, de mettre à la disposition du public ou de communiquer au public, sciemment, y compris à travers une annonce publicitaire, et sous quelque forme que ce soit, un logiciel manifestement destiné à la mise à disposition du public non autorisée d’œuvres ou d’objets protégés« , et « 2° d’inciter sciemment à l’usage d’un logiciel mentionné au 1°« . Un troisième point, ajouté par amendement Carayon, cherche maladroitement à limiter le plus possible l’applicabilité des deux précédents points. Il dispose en effet que « ces dispositions ne sont pas applicables aux logiciels destinés au travail collaboratif, à la recherche ou à l’échange de fichiers ou d’objets non soumis à la rémunération du droit d’auteur« .

Selon les députés de la majorité, ce troisième point inscrit dans la loi annule de fait les effets de l’amendement Vivendi, car il serait impossible de trouver un logiciel légitime qui ne réponde pas à ces exceptions. Mais l’amendement Vivendi même réctifié fait peser sur l’internet français une grande insécurité juridique qu’aucun gouvernement au monde n’avait osé instituer. « Dans ce cas, il [eut été] plus facile de voter contre l’amendement« , s’est estomaqué François Bayrou, qui juge le texte inconstitutionnel. « On ne peut pas voter un amendement qui dit noir et un sous-amendement qui dit blanc« , a effet jugé le leader de l’UDF. Christine Boutin (UMP) a de même indiqué à l’issue de ce vote qu’elle signera le recours en inconstitutionnalité de la loi.

« C’est un amendement scélérat pour l’économie française« , a condamné Patrick Bloche.

La ligue Odebi, qui a appelé à la désobéissance civile, a renforcé dans la nuit de jeudi sa position. Constatant que « le gouvernement et le rapporteur, une fois de plus, viennent de faire la parfaite démonstration de leur parfaite allégeance aux lobbys des industries de la culture« , la ligue « appelle l’ensemble des internautes à continuer à utiliser le réseau dans toute sa complexité et à soutenir les équipes de développement qui fabriquent les logiciels P2P de demain« .

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