C'est un terrible aveu que celui fait par la présidente de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi), dans une interview accordée à L'Express, sur les conclusions de la mission Lescure. Mme Marie-Françoise Marais se félicite en effet que le rapport remis par l'ancien président de Canal+ propose de remplacer le système pénal actuel par un mécanisme d'amendes administratives, qu'elle juge beaucoup moins contraignant pour l'administration :
Le système était lourd. Il serait moins lourd avec des amendes. Le système actuel repose sur une contravention de 5e classe (1500 euros, ndlr), qui est une infraction pénale et qui, par conséquent, nécessite de monter des dossiers lourds et extrêmement rigoureux. Une amende administrative rendrait le dispositif plus fluide, moins coûteux, plus rapide et plus opérationnel. En outre, la coupure d'accès n'a jamais eu bonne presse.
Marie-Françoise Marais confirme donc dans sa déclaration que l'objectif des amendes du CSA est d'automatiser le système pour le rendre beaucoup plus systématique et plus dissuasif que la très hypothétique menace actuelle. Il n'y aura plus de contrôle du dossier par un juge, mais l'application d'une simple décision administrative d'infliger une amende par PV, à charge pour le justiciable de contester la condamnation en justice s'il souhaite se plonger dans une procédure "moins fluide, plus coûteuse, plus lente et moins opérationnelle".
Actuellement, seuls les dossiers dûment vérifiés par la Commission de Protection des Droits (CPD) de l'Hadopi peuvent être renvoyés devant un tribunal, à charge pour le procureur de poursuivre ou de classer sans suite sur la base de l'infraction de négligence caractérisée.
Lorsqu'elle décide de transmettre au tribunal, l'Hadopi doit fournir tout un ensemble de documents, dont les PV dressés par les agents pour chacun des partages de fichiers piratés (avec un extrait dudit fichier tel que téléchargé depuis l'adresse IP de l'abonné inculpé), l'historique des avertissements, des indications sur l'état des ressources financières de la personne (pour permettre au tribunal de fixer une peine personnalisée)… mais aussi et surtout des preuves qui démontrent que l'internaute n'a pas mis en place les mesures de sécurisation préconisées, ou qu'il ne l'a pas fait avec application. C'est ce qui est censé prouver la négligence caractérisée de l'abonné, qui n'est pas poursuivi pour piratage mais pour défaut de sécurisation de son accès à internet.
Or c'est notamment parce qu'il lui manque très souvent des éléments probants sur la négligence que face à la Hadopi, le silence est la meilleure des défenses. Cette fois, le CSA pourra condamner sans avoir à s'embarrasser des droits de la défense. La faute sera présumée.
"Il faut aussi voir si l'infraction de négligence caractérisée est maintenue ou pas. In fine, c'est un choix qui appartiendra au législateur", ajoute Mme Marais.
Au 31 mai 2013, seulement 559 dossiers avaient été examinés par la CPD, et quelques dizaines seulement ont été effectivement transmis aux tribunaux. Le nombre des condamnations se compte sur les doigts d'une seule main (même partiellement amputée).
Si le système des amendes est validé – ce qui n'est pas fait, ce sont des milliers d'internautes qui pourraient être condamnés chaque mois.
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