Selon un activiste américain influent, la NSA parviendrait à se faire livrer par les opérateurs télécoms les registres de communication de tous les citoyens américains, en usant de pressions sur les contrats publics, et de menaces de répression personnelle contre les dirigeants qui refusent de se plier à ses demandes. Réalité, ou paranoïa ?

Depuis que l'affaire de la mise sous surveillance de l'ensemble des clients Verizon a éclaté, et qu'a été révélée au grand jour l'existence du programme PRISM par lequel les géants du web accepteraient de donner à la NSA l'accès aux données personnelles de leurs utilisateurs, les Américains s'interrogent. Comment un programme de surveillance d'aussi grande ampleur, mis en place depuis de nombreuses années, a-t-il pu être maintenu sans jamais faire l'objet de fuites organisées ?

Comment, aux Etats-Unis, aucun responsable des entreprises concernées n'a-t-il jusqu'à présent tiré la sonnette d'alarme, sur la disproportion des moyens employés pour prévenir le terrorisme ? Comment le secret a-t-il été organisé, et surtout comment a-t-il pu être conservé jusqu'à ce jour ?

Plus que la surveillance elle-même, c'est peut-être la réponse à cette question qui risque de faire le plus d'éclats aux Etats-Unis, si l'on en croit les accusations de l'activiste du logiciel libre John Gilmore, l'un des fondateurs de l'influente Electronic Frontier Foundation, et un défenseur acharné des libertés civiles. Elles ne pourront que nourrir – à tort ou à raison – les théories complotistes.

Dans un message publié sur la liste LiberationTech de l'Université de Stanford, John Gilmore affirme que l'affaire Verizon / PRISM est directement liée au sort des dirigeants de Qwest, qui était l'un des plus gros opérateurs de communications aux Etats-Unis jusqu'au milieu des années 2000.

Six mois avant les attentats du 11 septembre 2001, la NSA aurait en effet demandé au président de Qwest Joseph Nacchio qu'il remette les registres des communication de tous ses clients aux services de renseignement américains, ce que la société a refusé de faire sans ordre judiciaire. "En conséquence, la NSA a fait annuler tout un tas de contrats sans rapport, qui valaient des milliards de dollars, pour lesquels Qwest était le mieux placé". Il s'agissait tous de contrats liés aux opérations de surveillance américaines, à l'étranger.

La société a vu ses résultats financiers plonger, et Nacchio a été poursuivi en justice avec d'autres dirigeants de Qwest, pour avoir vendu des actions avant de faire état publiquement des difficultés de l'entreprise. Le délit d'initié a été retenu par la justice, et l'homme est incarcéré depuis 2007 pour une peine de sept années de prison. Or selon Gilmore, qui reprend les arguments de Nacchio devant le tribunal, il était impossible pour Gilmore, d'une part de révéler l'existence des contrats en cours de négociation puisqu'il s'agissait de contrats secrets, et d'autre part d'anticiper le fait que ces contrats puissent être annulés au dernier moment par la NSA, après que ses actions aient été vendues.

Pour Gilmore, il ne fait aucun doute que l'affaire a été montée de toutes pièces et qu'il s'agit d'un "viol légal d'une personne innocente" (sic) réalisé avec la complicité d'un "procureur fédéral corrompu". A moins qu'il ne s'agissait, réellement, d'un délit d'initié qui méritait condamnation.

Dès le mois de mai 2006, le magazine USA Today avait rapporté que des millions de registres d'appels téléphoniques avaient été remis à la NSA par les opérateurs AT&T, Verizon et Bell South, depuis les attentats du 11 septembre 2001. Parmi les gros opérateurs américains, seul Qwest avait refusé de transmettre ses registres, malgré les menaces formulées par les services de renseignement.

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