L'excellent test grandeur nature des offres du label PUR réalisé par la blogueuse Klaire a montré lundi à quel point l'offre légale labellisée par l'Hadopi était d'une qualité désastreuse, et combien il était inacceptable de continuer à menacer et sanctionner les internautes qui préfèrent toujours pirater. Mais il faut dédouaner l'Hadopi elle-même de toute responsabilité sur ce qu'elle choisit ou non de labelliser. Car sa marge de manoeuvre est extrêmement limitée.
En effet, comme Numerama l'avait expliqué dès 2010, la procédure imposée par le législateur et par le gouvernement à la Haute Autorité est d'un comique insoupçonné, puisque même The Pirate Bay pourrait s'amuser à le demander, sans que l'Hadopi ne puisse s'y opposer.
C'est le décret n°2010-1366 du 10 novembre 2010 qui fixe la procédure pour l'obtention du label PUR. Résumons la :
- Le service en ligne qui souhaite son label PUR doit envoyer à la Hadopi un dossier qui contient notamment "la liste des œuvres composant l'offre sur laquelle porte la demande de labellisation", l'offre pouvait être tout ou partie du service en ligne (ce pourrait être la section "PUR" de The Pirate Bay, si elle existait) ;
- Il doit également fournir une "déclaration sur l'honneur selon laquelle l'ensemble des œuvres composant l'offre est et sera proposée avec l'autorisation des titulaires des droits" ;
- Cette liste et l'ensemble du dossier sont publiés sur le site internet de l'Hadopi pendant 4 semaines ;
- Pendant ce délai, les ayants droit peuvent s'opposer à la demande de labellisation, mais uniquement s'ils sont titulaires des droits sur au moins "l'une des œuvres figurant dans l'offre". Sinon, ils ne peuvent rien dire ;
- La Hadopi délivre enfin le label en l'absence d'opposition, le décret ne prévoyant pas de marge de manoeuvre supplémentaire pour la Haute Autorité.
A aucun moment les textes ne prévoient que l'Hadopi s'intéresse à la qualité technique ou même éditoriale de l'offre. Seul la légalité du contenu proposé, dans la limite des oeuvres listées par le candidat lui-même, sont prises en compte. "Une évolution du dispositif réglementaire serait souhaitable", disait elle-même l'Hadopi dans son dernier rapport annuel (.pdf). "Une option envisageable, plutôt que la fourniture et la publication d’une liste d’œuvres au moment de la demande de labellisation, serait la seule indication, dans le dossier de candidature au label, de l’endroit à partir duquel les ayants droit peuvent accéder à l’offre candidate à la labellisation, en consulter le contenu et faire une objection éventuelle."
Ceci éviteraient qu'un jour un The Pirate Bay puisse demander son label PUR, lequel est "matérialisé par un signe distinctif apposé de manière lisible sur le site internet diffusant les œuvres constitutives de l'offre légale" (et donc pas uniquement sur la partie "PUR" de The Pirate Bay). Mais ça ne résoudrait à la qualité technique et éditoriale de l'offre, qui ne peut de toute façon pas être un critère juridique (sauf à imposer des critères objectifs, comme par exemple le fait que les offres fonctionnent aussi bien sous Windows que Mac OS X ou Linux).
Concernant l'absence de nombreuses plateformes de VOD, le rapport annuel de l'Hadopi est aussi instructif. "Le défaut d’accord entre la SACEM et un certain nombre de plateformes de VOD au titre de la musique incluse dans les œuvres audiovisuelles contribue à expliquer la faible représentation des offres vidéos parmi les plateformes labellisées", rappelle l'Hadopi. Dit autrement : la Sacem s'oppose à la labellisation des offres légales qu'elle juge en fait illégales.
On peut en revanche s'étonner que l'Hadopi ait accepté de labelliser des sites de financement participatif qui n'ont pas vocation à distribuer des contenus, mais simplement à les produire avec l'apport financier des internautes. C'est là un cadre qui dépasse très largement la volonté du législateur, et l'esprit initial du label PUR.
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