Lors des débats sur l’amendement Vivendi, le ministre de la Culture Renaud Donnedieu de Vabres, conscient de la dangerosité de cette disposition, avait tenté de rassurer les foules. Cet amendement « ne vise pas, loin s’en faut, les logiciels de pair à pair en tant que tels, qui sont d’un grand intérêt pour l’échange d’informations de toutes sortes« , avait-il proclamé devant la représentation nationale, après avoir donné un avis favorable à l’adoption de l’amendement. « Pensez-vous un seul instant que notre objectif soit de porter atteinte au capital scientifique de notre pays et aux petites entreprises responsables de la mise enœuvre du logiciel libre ? « , demandait-il aux députés de l’opposition.
Si la majorité a entendu la bonne foi du ministre dans ses intentions, il n’en reste pas moins que l’article 12 bis qu’ils ont adopté sur ces bases a semé un véritable vent de panique chez les professionnels. Cet article condamne le fait « d’éditer, de mettre à la disposition du public ou de communiquer au public, sciemment et sous quelque forme que ce soit, un dispositif manifestement destiné à la mise à disposition du public non autorisée d’œuvres ou d’objets protégés« . Un sous-amendement proposé par l’UMP est venu préciser dans l’urgence que « ces dispositions ne sont pas applicables aux logiciels destinés au travail collaboratif, à la recherche ou à l’échange de fichiers ou d’objets non soumis à la rémunération du droit d’auteur« . Mais l’ambiguité intolérable des mots « manifestement destiné à » est restée, pour le pire.
Le plus populaire des logiciels libres chassé des terres de France
Parmi les logiciels libres visés par le ministre figure incontestablement eMule, un logiciel de P2P open-source né en Allemagne et développé depuis 2002 par une très forte communauté, notamment française. Emule est employé pour la distribution de fichiers qui ne sont pas soumis à la rémunération du droit d’auteur : quelques 570 freewares et sharewares distribués via eMule par Ratiatum, 790 albums sous Creative Commons de notre partenaire Jamendo, ou encore 494 eBooks libres de droits ne sont que quelques exemples d’une réalité bien plus grande (voir une liste plus complète sur notre forum).
Mais avec la rédaction ambigüe d’un article de loi insoutenable, les professionnels français ne prendront aucun risque.
SourceForge est un site indispensable à la communauté du logiciel libre. Aidé par des hébergeurs du monde entier, dont OVH qui fournit le principal miroir en France, SourceForge fédère les projets et diffuse les fichiers de plus de 100.000 logiciels libres. Emule, l’un des nombreux logiciels de P2P qui s’y sont installés, est tout simplement devenu le logiciel le plus téléchargé sur SourceForge. La dernière version à elle seule y a été téléchargée plus de 16 millions de fois, notamment grâce aux précieux miroirs d’OVH.
Mais « nous allons retirer eMule de notre mirroir de SourceForge« , a annoncé l’administrateur en chef d’OVH dans un e-mail adressé aux clients de l’hébergeur, en réaction à l’adoption de l’amendement Vivendi. « Les visiteurs pourront toujours le télécharger à partir des miroirs qui ne se trouvent pas en Europe« , précise l’hébergeur, qui montre ainsi toute l’absurdité de la disposition française.
Pris de psychose, l’hébergeur conseille à ses clients de retirer les logiciels de P2P de leurs hébergements. « Si vous proposez en téléchargement les logiciels p2p, sachez que désormais vous risquez 3 ans d’emprisonnement et 300.000 euros d’amende« , écrit l’administrateur dans un message particulièrement alarmiste.
S’il veut aller au bout de sa démarche, OVH devra surveiller et filtrer l’arrivée des dizaines voire des centaines de logiciels de P2P qui se développent sur SourceForge. Une recherche du terme « p2p » sur SourceForge retourne des dizaines de pages de résultats.
Contacté hier par Ratiatum pour avoir certains éclaircissements, OVH n’a pas encore retourné nos appels.
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