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Le mardi 17 septembre avait lieu en commission des affaires culturelles de l’Assemblée Nationale le pré-examen de la proposition de loi UMP visant à interdire la gratuité des frais de port pour les livres achetés sur Internet, au nom de la lutte contre une prétendue « concurrence déloyale » que représenterait en particulier Amazon face aux librairies indépendantes (commission au cours de laquelle Isabelle Attard a fait sa proposition de TVA réduite pour les livres numériques sans DRM).
Comme prévu initialement, le texte sera bien présenté en séance plénière le jeudi 3 octobre prochain, et le rapporteur Christian Kert (UMP) y ajoutera un amendement qui précisera que « le coût de la livraison à domicile, à l’adresse choisie par l’acheteur, est ajouté par le détaillant au prix effectif de vente au public« . Si la loi est adoptée, les sites e-commerce devront donc répercuter sur le client le coût réel du transport des livres, dès qu’ils se font livrer à domicile. Mais s’ils se font livrer dans un point relais à deux pas de chez eux, la livraison pourra rester gratuite ! Ce point, absurde s’il en est, a été explicitement confirmé lors de l’examen en commission.
La retranscription des débats figure en effet dans le rapport préparé par Christian Kert, où l’on découvre l’embarras des députés socialistes face à la proposition de l’opposition. Ils disent soutenir la proposition dans le fond mais ne pas vouloir s’en tenir à un texte aussi étriqué alors qu’il faudrait, selon eux, une réforme plus globale des lois sur le livre — en réalité ils attendent surtout un projet de loi d’Aurélie Filippetti, qui leur évitera l’humiliation politique insoutenable d’avoir à adopter une proposition émanant de l’opposition.
L’embarras fut manifesté par la conclusion très peu régulière du président de la Commission, Patrick Bloche (PS). Alors que le règlement de l’Assemblée Nationale impose que le rapport de la commission conclut « à l’adoption, au rejet ou à la modification du texte« , Patrick Bloche a fait voter par ses pairs le choix de ne pas conclure. « Procéder à un vote aujourd’hui conduirait à afficher des divisions formelles et factices, alors que nous devons trouver un consensus« , a soutenu le député socialiste Yves Durand. C’est donc le 3 octobre que le texte connaîtra son sort.
Faire payer plus cher les livres commandés sur Internet, au nom de la diversité culturelle
S’il est conforme aux débats en commission, l’examen en séance plénière promet d’être un déferlement de critiques à l’égard d’Amazon. Certaines paraissent largement méritées, en particulier celles qui attaquent la politique d’évasion fiscale d’Amazon, clairement indécente. D’autres sont beaucoup plus curieuses et paraissent relever de la plus parfaite mauvaise foi.
Ainsi Christian Kert prétend défendre le libraire de quartier (en réalité surtout la FNAC, Leclerc et Auchan) au nom de la diversité culturelle. « A défaut d’une véritable politique éditoriale et de recommandation des contenus par le détaillant, le caractère pléthorique de l’offre peut entraîner un appauvrissement de la demande« , assure-t-il. « Quiconque a acheté des livres sur Amazon ou sur tout autre site de vente de livres imprimés en ligne sait que, contrairement à ce qui se produit dans une librairie traditionnelle, si l’on vient sur le site sans idée précise de ce que l’on veut lire, il y a de fortes chances pour que l’on reparte sans rien acheter ou en achetant un « best-seller » ou une nouveauté de la rentrée littéraire« .
Or d’expérience, il nous semble qu’au contraire, Amazon dispose d’un système de recommandations personnalisées incroyablement efficace, qui met en avant des livres adaptés à chaque lecteur plutôt que des best-sellers en puissance destinés à la masse. C’est justement sa capacité (presque inquiétante) à connaître les goûts de chacun de ses clients et à lui faire des propositions personnalisées très pertinentes qui a fait toute la gloire d’Amazon, avant-même qu’il devienne le monstre industriel que l’on connaît aujourd’hui. Là où beaucoup de libraires traditionnels commandent pour leurs étalages les livres qu’ils ont le plus de chances de vendre aux badauds, Amazon peut présenter quasiment tous les livres du monde à ceux qui sont les plus susceptibles de les acheter. Même le plus cultivé et motivé des libraires indépendants ne peut prétendre en faire autant.
Mais c’est bien le monstre industriel que les députés ont attaqué en commission. « Quel est le parlementaire qui ne serait pas conscient des méfaits – pour ne pas dire des ravages – causés par les nouveaux Terminator du commerce moderne, les Attila de la société de consommation culturelle, les Amazon & Cie, qui préfèrent vendre à perte pourvu qu’ils gagnent des marchés et capturent de nouvelles clientèles ?« , a ainsi harangué Sophie Dessus (PS).
« Le sujet, c’est l’exception culturelle française. C’est un choix de société, et même un choix de civilisation : c’est le choix de la diversité, le choix entre l’être et l’avoir, entre la consommation à tout crin et l’accès à une culture de qualité pour tous et partout« .
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