En guerre de communication avec les ayants droit, l'Hadopi s'est rendue à Londres pour présenter des données qui, selon elles, ne permettent pas de conclure que le piratage augmente de nouveau, comme le prétendent l'industrie du disque et du cinéma.

Depuis que les ayants droits ont décidé d'obtenir le transfert de la riposte graduée vers le CSA, pour se débarrasser d'une Hadopi trop indocile, le mot d'ordre circule. A toute occasion, professionnels de la musique et (surtout) du cinéma se relaient pour affirmer, sans données vérifiables à l'appui, que le piratage augmente de nouveau. L'idée est tout autant de dénoncer implicitement le manque d'efficacité de l'Hadopi que de plaider pour l'instauration d'un nouvel armada de surveillance et de filtrage, que la France souhaite d'ailleurs imposer à toute l'Europe.

Déjà mise en doute le mois dernier par nos confrères d'Edition Multimédi@, qui faisaient remarquer à juste titre que les ayants droit n'envoient pas davantage de constats d'infractions (alors qu'ils le pourraient), l'affirmation selon laquelle le piratage augmente a fait l'objet d'une réponse discrète de l'Hadopi, de l'autre côté de la Manche.

C'est en effet à Londres, à l'occasion d'une conférence sur le droit d'auteur et la technologie, que la directrice du Département Recherche, Etudes et Veille (DREV) de l'Hadopi, Pauline Blassel, a démontré (.pdf) qu'en l'état actuel des données à leur disposition, il n'était pas possible de démontrer une quelconque augmentation du piratage. Surtout, elle s'est appliquée à démonter la manière biaisée avec laquelle les ayants droit présentent souvent les données censées conforter leur vision catastrophiste du piratage.

Ainsi, Pauline Blassel a d'abord mis en garde contre la tentation d'opérer de voir des liens de cause à effet dans ce qui ne sont que des coïncidences, en comparant de façon volontairement absurde, une courbe de popularité de logiciels de P2P à la courbe du prix du charbon australien à la tonne. Proches, corrélées, elles n'en sont pas pour autant liées d'un lien de causalité. Une manière de dire que la baisse des ventes n'est pas forcément un indice de montée du piratage, ou inversement.

Puis après avoir affirmé qu'il n'était pas possible de lier l'augmentation du piratage à l'augmentation de la fréquentation de certains sites de liens BitTorrent, la directrice du DREV a aussi démonté l'idée selon laquelle la réouverture de MegaUpload, à travers Mega, aurait permis une renaissance des plateformes de stockage et de partage de fichiers. En prenant de la distance sur les courbes, et en réunissant l'audience de 26 plateformes de téléchargement direct (DDL), le DREV constate que Mega n'a eu aucun effet passé l'effet de nouveauté :

 L'Hadopi reprend aussi les propres chiffres de l'IFPI, le lobby international des maisons de disques, pour montrer que depuis au moins un an, les chiffres de popularité du P2P sont relativement stables. Ils avaient chuté après l'instauration de la loi Hadopi, puis avaient légèrement remonté, avant de se stabiliser.

De même, selon l'étude du nombre de pages vues de 8 sites de liens BitTorrent (dont on pourrait discuter de la représentativité : T411.me, CPasBien.com, TorrentFrancais.com, SmarTorrent.com, IsoHunt.com, OmgTorrent.Com, TorrentReactor.net, et Mininova.org), celles-ci restent stables depuis au moins juin 2012. Mais là encore, Pauline Blassel prévient qu'il est impossible d'affirmer que la fréquentation des sites de liens BitTorrent est liée au volume de piratage :

Une manière, aussi, de plaider à nouveau pour l'installation de sondes chez les FAI, qui permettraient à la Hadopi d'analyser avec précision l'évolution du trafic des différents services et sites internet utilisés pour le piratage.

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