Le 22 octobre dernier, la Cour de cassation a obligé la police judiciaire à annuler toute preuve obtenue par la géolocalisation des téléphones portables, faute de loi encadrant strictement cette pratique.

C'est un arrêt de jurisprudence très important, qui était passé relativement inaperçu. Le 22 octobre dernier, à travers deux arrêts de sa chambre criminelle, la Cour de cassation a mis fin en principe aux pratiques de géolocalisation des suspects à partir des déplacements enregistrés par les opérateurs téléphoniques. "Une mesure dite de « géo-localisation » consistant à surveiller les déplacements d’une personne par le suivi de son téléphone mobile constitue une ingérence dans la vie privée de cette personne, qui (…) doit donc être prévue par une loi présentant les qualités requises par la jurisprudence de la Cour européenne", ont estimé les juges de la haute cour.

Or en France, constatent-ils, "aucune loi ne prévoit ni n’organise la surveillance des téléphones portables et de leurs déplacements, la « connaissance notoire » supposée des citoyens à cet égard ne pouvant pallier l’absence de loi suffisamment précise, accessible, prévisible et émanant d’un organe compétent pour la créer". Très vague, le code de procédure pénale dispose en effet que la police judiciaire est chargée de "rassembler les preuves et de rechercher les auteurs" des infractions (article 14), ou que le procureur "procède ou fait procéder à tous les actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions à la loi pénale" (article 41), mais rien n'encadre strictement les réquisitions de données de géolocalisation des téléphones.

A défaut, toutes les pièces d'instruction reposant sur de tels relevés doivent être écartés des dossiers, au risque de faire tomber des procédures en cours et, désormais, de compliquer le travail des policiers. "Si on a des doutes sur un véhicule ou sur un suspect, nous ne pourrons plus agir aussi facilement qu’auparavant pour le suivre via son téléphone ou par le biais d’une balise sur son véhicule. La nouvelle procédure va nous faire perdre un temps précieux", redoute par exemple le syndicat Unité SGP Police.

Questions de proportionnalité

Fournissant le mode d'emploi au législateur qui devra combler le vide juridique, la cour de cassation précise en outre qu'une loi, pour être compatible avec l'article 8 alinéa 2 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme (CEDH), "ne peut organiser une ingérence dans la vie privée des personnes qu’à la condition d’en placer la surveillance et l’exécution sous le contrôle de l’autorité judiciaire, ce que n’est pas le Parquet, qui n’est pas indépendant". C'est forcément un juge d'instruction qui devra donner son autorisation et encadrer les géolocalisations.

Pour Georges Moréas, commissaire principal honoraire de la police nationale, une telle demande d'encadrement est normale. "Jusqu’à ce jour, les enquêteurs ne voyaient guère de différence entre une surveillance technique et une surveillance de visu, alors que la technologie actuelle permet de visionner, d’enregistrer et d’analyser chacun de nos déplacements", écrit-il sur le site du Monde. "Cette technique permet non seulement de suivre les déplacements d’un individu en direct mais encore de remonter dans le temps. Pour un enquêteur, il faut reconnaître que c’est pain bénit".

Or, "il me semble en effet qu’il faut faire une distinction entre l’enregistrement et l’analyse a posteriori d’informations concernant les déplacements d’une personne et un simple outil de surveillance comparable à une bonne paire de jumelles".

Là où la surveillance de visu invitait forcément à la mesure, par souci d'économie des agents de police affectés à la fonction, la surveillance automatisée et rétroactive permettait tous les excès. Des excès auxquels il faudra désormais mettre fin.

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