Mise à jour : Comme la commission des affaires culturelles avant elle, la Commission des lois a ignoré la demande de la CNCDH et rejeté l'amendement accordant la protection des sources à ceux qui confient leurs informations aux blogueurs et autres citoyens.
Article du 10 décembre 2013 –
Le 4 décembre dernier, la Commission des affaires culturelles de l'Assemblée Nationale examinait le projet de loi sur le secret des sources des journalistes. Numerama avait alors remarqué plusieurs modifications apportées au texte, qui ont pour effet de réserver la protection de leur anonymat aux seules sources qui communiquent leurs informations à des "journalistes de profession" agissant pour le compte d'une entreprise, ce qui de fait exclut les blogueurs voire les journalistes indépendants.
Déposé par trois députés écologistes, l'amendement qui visait à accorder le secret des sources aux blogueurs avait été rejeté, sans que l'on connaisse les raisons d'un tel rejet. Pourtant, dans son avis officiel émis en avril 2013, la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) avait jugé "essentiel de ne pas limiter la protection des sources aux seuls journalistes professionnels". "Le droit à la protection du secret des sources doit être reconnu à tous : aussi bien aux journalistes qu’à toute personne publiant des informations à titre simplement occasionnel", indiquait la Commission interrogée par le ministère de la Justice.
On connaît désormais les raisons pour lesquelles les députés de la commission des affaires culturelles ont rejeté l'amendement écologiste, en dépit des mises en garde de la CNCDH.
L'Assemblée Nationale vient en effet de mettre en ligne la transcription du débat. Morceaux choisis :
- Michel Herbillon (UMP) : "Nous sommes ici pour établir un texte de loi, et non pour engager une réflexion (…). Il me semble qu’ouvrir ce dispositif de protection du secret des sources à tous les blogueurs qui prétendent faire du journalisme serait excessif et contribuerait paradoxalement à affaiblir le texte" (en quoi cela affaiblirait le projet de loi ? M. Herbillon n'en dira rien) ;
- Rudy Salles (UDI) : "Une telle disposition aurait pour conséquence de favoriser la diffusion du n’importe quoi, au détriment du vrai journalisme et de la démocratie véritable" (un argument déjà balayé par la CNCDH qui a rappelé qu'un blogueur, comme le journaliste, est tenu de prouver ce qu'il avance s'il est poursuivi en justice) ;
- Dominique Le Mèner (UMP) : "Il ne faudrait pas encourager les entreprises de presse à se passer, plus encore qu’elles ne le font déjà, des journalistes professionnels. Tous les citoyens peuvent devenir blogueurs : protéger comme des journalistes tous les citoyens sans exception paraît excessif" (rappelons au passage que ce ne sont pas les journalistes qui sont protégés, mais leurs sources) ;
- Michel Pouzol (PS, rapporteur pour avis du texte à la Commission des affaires culturelles) : "certains blogueurs sont sûrement plus libres que certains journalistes, mais ce n’est pas seulement un avis que l’on attend de ces derniers : c’est une information réfléchie et vérifiée, et apportée par une source, qu’il s’agit ici de protéger (…) il nous faut effectivement rester vigilants sur les limites de la protection des sources, sous peine de mettre le doigt dans un engrenage dangereux" (celui de renforcer la démocratie ?).
Le tout sous l'oeil complice du président de la commission, le député socialiste Patrick Bloche, qui s'est contenté de ce que "la définition donnée est très éloignée des conditions très restrictives d’attribution de la carte de presse". Et tant pis si elle exclut tout de même tout un pan des citoyens et journalistes.
En introduction du débat, le rapport Plouzol faisait une suggestion. "On pourrait envisager d’étendre le périmètre aux blogs hébergés par une entreprise de presse".
Après la Commission des affaires culturelles, c'est la Commission des lois qui devra plancher sur le sujet, ce mercredi à 9 heures. Une nouvelle occasion pour les députés écologistes de présenter leur amendement, qui sera très certainement rejeté par un Gouvernement qui ne souhaite pas non plus étendre la protection des sources à ceux qui fournissent des informations aux blogs indépendants plutôt qu'à la presse traditionnelle.
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