Christiane Taubira a soigneusement ignoré, mardi soir, l'avis de la CNIL qui demandait que l'autorisation d'un juge indépendant intervienne au maximum 8 jours après la décision du procureur de la République de mettre un individu sous géolocalisation judiciaire.

Mardi soir, les députés ont adopté le projet de loi sur la géolocalisation policière, en élargissant les possibilités d'y avoir recours. Alors que le texte voté au Sénat limitait la géolocalisation aux suspects de crimes et délits punis d'au moins 5 ans d'emprisonnement, le dispositif adopté par l'Assemblée permettra de suivre à la trace les auteurs ou complices présumés de faits punis de 3 ans d'emprisonnement, ce qui représente un nombre très conséquent des infractions prévues par le code pénal.

La ministre de la justice Christiane Taubira, qui s'était opposée à cet élargissement, n'a pas réussi à convaincre sa majorité et s'est même vue rabrouée par le député socialiste Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Ce dernier s'est appuyé sur une décision de la Cour Européenne des Droits de l'Homme qui expliquait que la géolocalisation était moins intrusive que les mises sur écoutes. "Or, on peut recourir à des interceptions de sécurité pour tous les délits passibles d’une peine égale ou supérieure à deux ans d’emprisonnement", a rappelé M. Urvoas, qui est membre de la commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS). "Dès lors que la mesure la plus intrusive peut s’appliquer à des peines de deux ans, on ne voit pas pourquoi la géolocalisation ne pourrait pas s’appliquer en cas de peine encourue de trois ans".

Christiane Taubira a donc dû subir un échec sur ce point.

En revanche, c'est bien sous l'impulsion de Christiane Taubira que l'Assemblée a également adopté un assouplissement du contrôle judiciaire de la géolocalisation, pour faire que le contrôle de légalité par un juge indépendant (juge des libertés et de la détention) n'intervienne qu'au bout de 15 jours après l'autorisation délivrée par le procureur de la République, hiérarchiquement soumis à la Chancellerie.

Dans son avis, qui n'a curieusement été communiqué que quelques heures seulement avant l'examen du texte, la CNIL faisait remarquer que "le ministère de la justice a justifié le choix d’une durée de quinze jours autorisée par le procureur de la République en ce qu’elle correspond à la durée maximale de l’enquête de flagrance prolongée", mais que "toutefois, la durée de la flagrance, telle que prévue à l’article 53 du CPP, est de 8 jours renouvelable une fois sur décision du procureur de la République".

La CNIL demandait donc au Gouvernement de revoir sa copie pour réduire le délai à 8 jours, éventuellement renouvelable. En vain.

Alors que le contenu de l'avis a été rappelé à la Garde des Sceaux lors des débats, Christiane Taubira a choisi de l'ignorer complètement, au point de ne pas en parler du tout, comme on peut le vérifier dans le compte rendu officiel du débat :

M. Alain Tourret. (…) Au vu de l’avis de la CNIL, le risque de sanction me paraît important si le délai est trop grand entre le moment où la géolocalisation a lieu et le moment où un magistrat indépendant est saisi. Bien évidemment, nous aurions obtenu satisfaction devant le Congrès sur le rôle du procureur que la question ne se poserait pas. Mais dès lors que notre système juridique ne considère pas le procureur comme une autorité indépendante, il est préférable de s’en tenir au délai de huit jours plutôt qu’à celui de quinze jours.

(…)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?  

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est parce que nous nous étions fondés sur la durée d’une enquête de flagrance prolongée que nous avions estimé que le délai de quinze jours ne mettait pas en péril l’efficacité de l’enquête. Je répète que je me réjouis que la commission des lois soit revenue à ce délai de quinze jours, sinon on ferait peser quelques risques sur les enquêtes de flagrance.  Pour cette raison, tout en entendant vos arguments, messieurs les députés, il est souhaitable que nous nous en tenions à ce délai de quinze jours.

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret.  

M. Alain Tourret. Je retire l’amendement n°31.

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